Trois langues pleurent, en Mauritanie
Un éducateur mauritanien pose une question pertinente à son collègue, dans la cour de récréation : « où allons –nous avec les réformes envisagées, élaborées, créées en Mauritanie ?
Certes, je ne suis pas en mesure de te les citer, vu leur nombre, mais nous allons ensemble analyser et étudier la nouvelle réforme : «l’introduction des mathématiques en 3ème AF pour l’année scolaire 2023-2024.
D’après ma philosophie, les mathématiques en arabe vont pulluler, pleuvoir en 4ème AF pour l’année scolaire 2024-2025.Par ailleurs, les classes : 5ème et 6ème AF accueilleront, à leur tour, cette nouvelle discipline en 2025-2026. Dans la même optique, les Sciences Naturelles en français seront supprimées et remplacées par celles de l’arabe.
Rappelons que l’histoire et la géographie avaient subi le même sort dans les années passées car ces deux disciplines étaient enseignées, en français.
Pour l’heure, le système éducatif mauritanien n’a plus besoin des enseignants qui maîtrisent la langue de Molière. En revanche, six (6) enseignants de formation en arabe (y compris le directeur de l’école) peuvent normalement assurer les cours dispensés dans une école au cycle complet. L’idéal serait de trouver deux ou trois arabisants qui se débrouillent un peu du français, dans une école.
Le cours de français sera très facile, dans toutes les classes. Prenons comme exemple la 5ème AF : le maître écrit au tableau noir la phrase suivante : « Sidi va à l’école »il demande aux élèves :
-de recopier cette phrase, dans leurs cahiers d’exercices
-d’encadrer le verbe de la phrase
-de souligner d’un trait le sujet et de deux traits, le complément (C.C.L de va).
Levez, baissez et rangez vos cahiers, nous continuerons cette leçon le lundi prochain !
En effet, le mardi, le mercredi, le jeudi et le vendredi seront réservés et consacrés pour l’arabe. Vu cette situation, tous les enseignants de formation française doivent coûte que coûte apprendre l’arabe sinon ils seront radiés de l’éducation nationale (j’allais dire de la fonction publique).
Effectivement, les enseignants hommes de formation française qui refusent (refuseraient) d’apprendre l’arabe ont intérêt à se procurer d’un chariot (Pousse-Pousse) pour gagner leur vie dans les grands marchés de la Mauritanie. Quant aux femmes, elles doivent sans complexe, faire porte à porte dans les maisons des grandes villes pour être des domestiques renommées voire célèbres.
A bon entendeur, salut !
Reste à savoir si cette réforme phare touchera, demain ou après- demain les collèges et les lycées du pays ?
Sans transition, nous passons aux langues « Pulaar », Soninké et Wolof qui ont une valeur et une histoire. En 1985, des classes expérimentales, langue seconde pour les élèves arabes ont été ouvertes à l’école « 5 »de Nouakchott pour le Pulaar, l’école « 6 »pour le Wolof et l’école « 7 »pour le Soninké (on enseignait aux élèves arabes le Pulaar, le Wolof et le Soninké à raison de cinq (5) heures par semaine).
Amadou Seydi Djigo de Bakaw par Boghé, le Soninké et le Wolof avaient accompli leur mission pédagogique, sans faute. Les élèves arabes et leurs parents étaient fiers du travail réalisé par ce trio enseignant.
Bravo !Amadou Seydi Djigo et ses deux homologues !
Notons bien, inutile de chercher ces trois (3) établissements, dans la carte scolaire de Nouakchott, vous n’y trouverez pas !
– (ils sont vendus) !
Hier, dans ma classe de 6ème AF, j’avais trois (3) élèves qui venaient directement d’une école Pulaar .Ils trouvaient tous les problèmes complexes du livre de calcul : « J.Auriol et de Mr Séguier, le dioula et le locataire » par exemple.
J’avais donné des exercices de vocabulaire et mes trois hôtes avaient tout trouvé .Je vais illustrer, ici, l’un de ces exercices :
-reproduire et compléter les mots suivants, dans le tableau ci-dessous : formation-former –informer-déformation-formeur…
Cet exercice consiste à trouver des mots de même famille et à respecter leur orthographe .Tout s’articule autour du radical.
Nos trois (3) élèves « Al pulaar » m’ont impressionné, fasciné et surtout à travers cet exercice de vocabulaire.Ici, ils m’ont montré des tournures que je n’avais jamais apprises à l’école étrangère (française) .Et voilà, ils m’ont vraiment enseigné.
En définitive, un enfant qui apprend sa langue maternelle réussit ses études sans aucun problème. Le Pulaar, le Soninké et le Wolof pleurent parce qu’elles (les langues) ne sont pas encore reconnues dans le système éducatif mauritanien.
M’BAYE BOCAR, ancien directeur à l’école » 3″ de Boghé (Brakna) à la retraite.