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Génocide des Tutsi : tous les Hutus ne sont pas des assassins

Tous les Hutus ne sont pas des assassins dans le génocide au Rwanda. C’est ce qu’a utilement rappelé le Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

Lorsque nous sommes commis d’office pour assister Ignace Bagilishema, Maire de la Commune de Mabanza, dans la Préfecture de Kibuye, proche des sinistres collines de Bissessero, notre première initiative est de constituer une équipe mixte : nous nommons deux enquêteurs, l’un Tutsi, l’autre Hutu.

Avec nos assistantes nous serons la deuxième équipe de Défense à nous rendre sur place au Rwanda, et la première à le faire à plusieurs reprises, pour tenter de comprendre, et pour entendre de très nombreux témoins[1]. La situation est volatile. Un jour nous serons avertis par le nouveau Préfet de Kibuye, qu’il « ne peut pas garantir notre sécurité (sic) », suite à une décision du Tribunal dans un autre dossier qui, dit-il, a « déplu à la population »…

Rentrant d’une de nos missions, nous déposons une requête au Tribunal pour solliciter de sa part un « transport sur les lieux », convaincus que sans cela il ne pourra pas juger équitablement. C’est « osé », mais la Chambre, présidée par le Juge Norvégien Erick Möse, y fait droit.

Pour la première fois devant ce Tribunal, les Juges se déplacent pendant trois jours sur tous les lieux visés dans l’acte d’accusation, dont les collines de Bissessero. Cela tournera à la confusion pour l’équipe du Procureur.

Quelques mois plus tard le Tribunal Pénal International pour le Rwanda acquitte Ignace Bagilishema de tous les chefs d’accusation. Surprise, l’acquittement n’est pas prévu dans le statut du Tribunal !! La communauté internationale, sans doute tellement culpabilisée de son inaction pendant le génocide des Tutsis, a oublié les fondamentaux du procès équitable et désigne les suspects comme des « présumés responsables ».

Ce soir-là, c’est la panique au Tribunal : « que faire d’un acquitté ? » alors au surplus que le Procureur a immédiatement fait appel…

Il faudra déployer des trésors d’imagination avec l’aide du Greffier Adama Dieng, pour permettre à l’accusé de demeurer en liberté en France, accueilli dans une Communauté Emaus.

Un an plus tard la Chambre d’Appel confirmera à l’unanimité l’acquittement. Avec les mêmes intervenants, plus la médiation de l’Ambassadeur Stéphane Hessel auprès des autorités françaises, nous obtiendront l’autorisation pour Ignace Bagilishema de revenir s’installer en France.

Après quoi, avec quasiment la même équipe de Défense, et particulièrement nos deux enquêteurs, nous accompagnerons successivement deux autres accusés dans un plaidoyer de culpabilité. Non comme auteurs de génocide mais pour « non-assistance à personnes en danger », pour n’avoir pas su ou pu empêcher la commission de crimes.[2]

Et nous obtiendrons en outre, de la Procureure Carla del Ponte, un Non-Lieu pour deux autres accusés, dont le Commandant, Directeur de l’Ecole Supérieure Militaire de Kigali.

Jamais nous n’accepterons cette thèse surréaliste et révisionniste développée par certains, de « double génocide » au Rwanda.

Mais pour autant, cette longue expérience et assistance juridique d’accusés devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, nous conduit à insister pour que l’ensemble des Hutus ne soient pas stigmatisés comme « génocidaires ».

Comme dans « La liste de Schindler », nombreux ont été ceux qui ont résisté à la folie meurtrière, devenant pour certains, des héros ainsi que l’a rappelé Jean Hatzfeld[3]. En ces temps de commémoration de l’infamie que fût le génocide des Tutsis, il est juste de le rappeler. C’est la condition d’une paix retrouvée.

Maroufa Diabira

Ancien Bâtonnier de Mauritanie

Ancien Directeur du Bureau des Droits de l’homme des Nations Unies au Burundi

François ROUX. Avocat honoraire. Ancien Chef du Bureau de la Défense au Tribunal Spécial pour le Liban (2009-2018).

[1] Il n’y a pas de Juge d’Instruction dans ces Tribunaux Internationaux et il appartient à la Défense de faire elle-même ses propres enquêtes (système anglo-saxon).

[2] Voir l’excellent documentaire réalisé par le TPIR : « Sur le chemin de la réconciliation »

[3] Là où tout se tait. Gallimard

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