Actualité

Mise au point du Collectif des avocats chargés de la défense de l’ancien Président de la République

Maitre Taleb Khyar Mohamed – Pourquoi, s’est interrogé un journaliste, le collectif des avocats chargés de la défense de l’ancien président de la république Mohamed ould Abdel Aziz, a-t-il exprimé sa désapprobation des propos du Premier Ministre, annonçant l’exercice imminent de l’action publique contre les mis en cause par la commission d’enquête parlementaire, alors que le parquet est hiérarchiquement dans une relation de subordination à l’exécutif ?
Le motif fondamental de notre désapprobation, du reste largement partagée par l’opinion nationale et internationale, résulte pour l’essentiel de l’immixtion du Premier Ministre, en sa qualité de chef de l’exécutif, dans un dossier qu’il considère à tort ou à raison comme étant du ressort de la justice, immixtion qui viole les articles 89, 90 de la constitution, et s’inscrit en faux contre l’attitude de neutralité observée par le Président de la République.
A travers ses déclarations, le Premier Ministre vient apporter sa bénédiction à la mise en place d’une « commission d’enquête parlementaire », créée malicieusement par la grâce d’un cavalier législatif, en vue de vider le pouvoir exécutif de toutes ses prérogatives et permettre au Parlement de s’ériger en censeur des textes de la constitution, dont l’article 93, aux termes duquel le Président de la République n’est redevable de ses actes que devant la Haute Cour de Justice, et seulement pour haute trahison.
Le Premier Ministre est nommé par le Président de la République, sur la base de l’article 30 de la constitution, ses compétences sont précisées dans les articles 42, 43,44 ; de la même manière, le Président de la République exerce ses pouvoirs à la lumière des articles 23 à 39 de la constitution, et les députés sont également régis par des textes qui leur sont propres ; dès lors on ne peut comprendre que le Premier Ministre et l’Assemblée Nationale puissent s’arroger des prérogatives que la constitution ne leur accorde pas, qu’ils fassent d’un acte fondateur qui est l’expression de la volonté populaire, un instrument qu’ils manipulent à leur guise et selon leur bon vouloir, l’appliquant sainement en certains de ses endroits, et le violant en d’autres.
Le Premier Ministre est passé outre les règles propres à l’exercice de l’action publique qui relève exclusivement de la compétence du procureur de la république, conformément aux articles 27 et suivant du code de procédure pénale.
Pour toutes ces raisons, le collectif chargé de la défense de l’ancien Président de la République revient à la charge pour de plus amples explications.
-L’article 72 de la constitution a été violé, à l’instant même où la commission d’enquête parlementaire a été créée pour contrôler l’action d’un gouvernement qui n’est plus en exercice, alors que cet article dispose : « Le gouvernement est tenu de fournir au Parlement, dans les formes prévues par la loi, toutes explications qui lui auraient été demandés sur sa gestion et sur ses actes », en référence donc au gouvernement en place, ce qui exclut a contrario, un gouvernement qui ne l’est plus.
-L’article 93 de la constitution a été violé, alors qu’il édicte une immunité et un privilège de juridiction en faveur du Président de la République en ces termes « Le Président de la République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison ; il ne peut être mis en accusation que par l’Assemblée Nationale statuant par un vote au scrutin public et à la majorité des membre la composant ; il est jugé par la Haute Cour de Justice ».
– L’article 189 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale considéré par les partisans de la commission d’enquête parlementaire, comme une loi organique ayant valeur constitutionnelle, a également été violé en ce qu’il énonce que « L’Assemblée Nationale peut mettre en accusation le premier ministre et/ou les membres du gouvernement, devant la Haute Cour de Justice conformément aux dispositions du titre VIII article 92, 93 de la constitution ; la décision de poursuite et de mise en accusation, pour être valide, doit être votée par la majorité absolue des membres composant l’Assemblée Nationale au scrutin public; et dans ce cas, le premier ministre et le/les membres du gouvernement mis en accusation présentent leur démission. » La violation de cet article résulte suffisamment de la mise en cause d’anciens ministres par la commission d’enquête parlementaire ; mise en cause reprise par le Premier Ministre, nonobstant le privilège de juridiction dont ces ministres bénéficient, et au titre duquel, ils ne sont redevables de leurs actes que devant la Haute Cour de Justice.
-Sont violés également les articles 89, 90 de la constitution concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport aux deux autres pouvoirs ; cette violation est caractérisée par la confection de toutes pièces d’un dossier, qu’on veut coûte que coûte judiciariser pour des raisons de basse besogne politique. -L’article 91 a été violé ; aux termes de cet article « Nul ne peut être arbitrairement détenu. Le pouvoir judiciaire, gardien de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi », alors que l’ancien président de la république a été privé de sa liberté, malgré le ton impératif de cette disposition de la constitution considérée comme la norme suprême.
-A également été violé l’article 68 de la constitution en son dernier alinéa ainsi libellé « La Cour des Comptes est l’institution supérieure indépendante chargée du contrôle des finances publiques » ; de quel droit la commission d’enquête parlementaire s’arroge-t-elle une compétence qui est proclamée par la constitution au bénéfice d’un corps constitué ?
La violation de la constitution, quels qu’en soient les motifs et quels qu’en soient les auteurs, est un acte de haute trahison qui interpelle le Président de la République, à la fois en sa qualité de gardien de la Constitution, d’incarnation de l’Etat, et d’arbitre du fonctionnement continu et régulier des pouvoirs publics, au visa de l’article 24 de la constitution , mais également de l’article 29 qui renvoie au serment présidentiel de veiller «au respect de la Constitution et des lois », pour que l’Etat de Droit prenne le pas sur l’état de fait.
Le cas de l’ancien Président de la République ne concerne pas seulement un homme courageux qui, avec ses frères d’armes et compagnons de route, ont édifié une nation au sacrifice de leur vie, mais concerne bien au-delà, le destin d’un peuple, d’un Etat et d’une patrie, ainsi que celui de la démocratie et de son pilier fondamental qu’est l’alternance pacifique au pouvoir.
Quel est le naïf qui, au vu de toutes ses impostures et tracasseries, acceptera de quitter le pouvoir une fois qu’il y est ? Personne, aussi longtemps que la Mauritanie sera privée d’un parlement, gardien du pacte fondamental et des libertés.
Le Collectif


Articles similaires

Bouton retour en haut de la page