15e édition des Traversées Mauritanides : une table ronde sur la question des langues
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À l’occasion de la 15ème édition du festival littéraire «Les Traversées Mauritanides» initié par le journaliste et écrivain Bio DIALLO, l’Institut Français de Mauritanie (IFM) a accueilli, vendredi 6 décembre 2024, une table ronde sur les langues.
Elle avait réuni Boubacar Boris DIOP (Sénégal), Idoumou Mohamed Lemine Abass (Mauritanie), Mamadou Kalidou Ba (Mauritanie) et Ndeye Codou Fall Diop (Sénégal). La table ronde avait pour thème « Langues, entre identités et fictions. Revendiquer l’enseignement de ses langues est-ce idéologique ou pour une transmission de cultures de proximité ? ».
Leur constat est presque unanime : la question de la langue est éminemment politique. « Laissons les langues vivre d’elles-mêmes » : c’est le cri de cœur qu’a notamment fait entendre l’écrivain mauritanien et professeur à l’Université de Nouakchott, Idoumou Mohamed Lemine Abass.
« Laissons nos langues vivre ! Laissons les passer les unes des autres des mots, des expressions pour qu’un jour, nous arrivions à une seule langue pour tous les mauritaniens ou en tout cas à une langue le plus mauritaniennement possible. Les langues sont faites pour cohabiter. Elles sont faites pour fraterniser, pour échanger. Elles ne sont pas faites pour s’opposer. »
L’écrivain et professeur à l’Université de Nouakchott, Mamadou Kalidou Ba a, quant à lui, pris le contrepied de son compatriote, Idoumou Mohamed Lemine Abass.
Pour lui, « les langues sont sensées être égales s’il n’y a pas une intervention politique qui met une langue sur une autre comme en Mauritanie où on prend une loi pour légiférer et donner la primauté d’une communauté sur les autres».
« Cela, c’est du racisme et c’est extrêmement grave », insiste-t-il, estimant que la voie à suivre n’est pas celle de « l’unité du chevalier et de l’étalon ».
La sénégalaise Ndeye Codou Fall Diop souligne : « Je pense qu’il est fondamental de passer l’enseignement par nos langues et surtout pour commencer. Au Sénégal, pour cette rentrée, en tout cas, on a commencé à théoriser sur des décennies mais là, ça devient réalité sur le terrain ».
Pour cette éditrice sénégalaise, fervente adepte de Cheikh Anta DIOP, « la langue comme véhicule de la culture, véhicule de notre imaginaire, cela, on ne peut le faire, pour moi, que dans nos langues nationales, dans nos langues maternelles ».
« Je donne l’exemple du Sénégal. Le français est la langue officielle du Sénégal. Notre Président de la République, SEM Diomaye Bassirou Faye, sa langue maternelle est le serere. Quand il s’adresse aux sénégalais, il n’utilise ni le français ni le serere. Il utilise le wolof parce que c’est la langue utilisée par la majorité des sénégalais, c’est une langue de communication. Il ne s’agit pas de wolofisation de la société sénégalaise ».
« C’est un gain considérable si on commence avec les langues nationales », conclut-elle.
Résumant la table ronde, le modérateur Wane Mohamedoune dit Doudou, Doyen de la Faculté des Lettres de l’Université de Nouakchott, a indiqué que la question des langues reste « une question centrale dans le devenir de nos nations ».
Cette table ronde était précédée d’une autre portant sur « L’écriture est-elle la somme de nos diversités culturelles ? » et avait comme intervenants, Mariem Mint Derwich (Mauritanie), Emmanuel Rubin (France), Salihina Moussa Konaté et Alassane Adama Sy.
La 15ème édition des Traversées Mauritanides s’achève, ce mardi 10 décembre 2024.
Par BABACAR BAYE NDIAYE