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Mais où est donc Mohamed Ould Abdel Aziz?

Si j’avais été le précepteur de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz, il aurait probablement été épargné d’une fin de vie tumultueuse. Dès lors je l’aurais persuadé qu’il vaut mieux « apprendre à mourir », que de s’adonner durant deux mandatures à engranger des capitaux « post-mortem », d’ailleurs puisés d’un entrepôt qui n’était pas le sien.

Certes j’ai eu la chance (voilà qui dépend de l’interprétation et de la posture de chaque) de rencontrer l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz sur cette planète depuis sa tendre jeunesse .. Ce qui m’honore. Cependant j’ai connu également dans ma vie de modestes personnes , des gens bien, et dont la proximité qui m’est pourtant profonde n’a jamais suscité en moi l’envie de raconter leur quotidien, oh combien difficile !!!

Difficile dis-je, mais comment ? Parce qu’ils se lèvent tôt pour travailler afin de subvenir à leurs besoins vitaux, qu’ils ne gèrent pas un budget, qu’ils n’ont pas d’allocations familiales, d’aides sociales, encore moins de compte en banque à plus forte raison que de prétendre laisser leurs salaires s’accumuler des années durant sans jamais y toucher ?

Par contre la situation « précaire voire peu enviable » de ces individus peut-être synonyme de bonheur relatif, même s’ils sont nés, ont grandi et vont probablement mourir sans attirer l’attention de quelques opinions ou lanceurs d’alerte.

Une mort « bio » selon l’expression éminemment sarcastique de l’humoriste franco-camerounais Dieudonné Mbala-Mbala; une mort paisible, quand même « sans tambour ni trompette ». N’est-ce pas le destin qui est réservé à tous, riches et pauvres, voleurs ou bienfaiteurs? Car il faut se mettre constamment en tête qu’en toute chose, l’on se doit de considérer…. la fin.

En effet le propre de l’être pensant pourvu d’une pincée d’humanité et d’humanisme, est de savoir mourir en paix, de surcroit la soixantaine passée . Surtout quand on a eu le privilège (c’est selon) de diriger un pays pendant plus de dix ans et qu’on a passé le relais à un proche, la sagesse vous recommande de prendre du recul et de profiter des quelques années qui vous restent à vivre, dans la sérénité auprès de vos petits enfants.

Suivez mon regard, « hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère ». Nul doute que je fais allusion à la situation préoccupante actuelle, pire encore, désobligeante de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz, qui à mon avis devrait changer de « logiciel », après avoir passé le flambeau à son alter égo.

Alors l’on se demande quelle mouche a piqué, encore une fois Ould Abdel Aziz à vouloir revenir sur la scène politique, au point d’en être « l’acteur principal » et ce, pendant de longs mois? Pourquoi s’est-il calmé maintenant? Est-il gravement malade? A-t-il encore l’allant physique et l’envergure morale à persévérer dans son anachronique fronde à la  » Pyrrhus » ?

A/ Au commencement….était une rigueur d’officier :

Si le sort de l’ancien président Ould Abdel Aziz peut faire penser au personnage romanesque de Wangrin, du célèbre écrivain malien Amadou Hampaté Bâ, qui se solde en définitive par un sort peu enviable, l’opinion publique mauritanienne doit savoir que l’intéressé véhiculait et défendait déjà des valeurs de probité tout au début de sa carrière de jeune officier. Je pense qu’il était sincère lorsqu’il prônait ces valeurs, il ne mentait pas par exemple avant de faire de la politique. Il manifestait constamment des prises de position d’homme progressiste…de gauche.

Alors pourquoi ce manichéisme tranchant observé quelques années plus tard chez Aziz et qui va d’un idéalisme précocement aigu à un matérialisme bancal? C’est probablement sa proximité d’avec le pouvoir, surtout de Maawiya depuis le 13 décembre 1984, lorsque, jeune lieutenant, il fût bombardé comme aide de camp par l’entregent de son cousin, feu Ely Ould Mohamed Vall, que Ould Abdel Aziz a sans doute glissé petit à petit dans l’obédience mercantile.

L’argent, surtout facile et mal acquis est le plus souvent une asymptote de l’exercice du pouvoir ou vis versa. Il est vrai aussi que la quête obsédante de l’argent peut dans certaines circonstances établies, être le prélude à la médiocrité chez un être humain.

C’est également une ligne de démarcation entre l’animalité et l’humanité. Car selon le biologiste et historien des sciences Jean Rostand « tout ce que l’homme a inventé, produit, éprouvé …,rien ne s’est déposé dans son organisme » depuis des millénaires. Autrement dit, les buildings, les marchés, les milliards de Ould Abdel Aziz, ne sont que des paillettes. La vraie richesse de l’homme est dans les « musées, les bibliothèques », en somme dans la connaissance compensatoire de soi d’abord et envers autrui.

Il y a deux périodes dans la vie de l’ancien président: Aziz sans argent et Aziz plein d’argent. Cette mutation ne s’est pas faite ex-nihilo. L’enrichissement illicite est une perversion de l’esprit qui pousse l’homme à ignorer les mécanismes de la vertu et enclenche chez lui les démons de l’égoïsme voire de la gloutonnerie.

Dans la société si vous prenez votre part (salaires, traitements, primes etc..) en abusant de celles de vos concitoyens, vous agissez implicitement en animal dans la jungle, et vous perdez de facto tout un pan de votre humanité. Vous pouvez être instruit (bac plus 10) mais alors peu éduqué, être issu de famille respectable mais enfin de comportement amoral..

Bon musulman ? Je ne pense pas qu’un être qui s’accapare des biens destinés à des nécessiteux( handicapés, cul-de-jatte, aveugles), entre autres, puisse croire en l’omniscience de son démiurge, encore moins au jugement dernier. Selon Aziz , on peut être imberbe et ne pas mentir…,c’est exact. Mais on peut être également imberbe et s’abstenir de voler son miséreux peuple.

1/ Aziz le pauvre :

Il était le prototype de l’officier altier, impérieux certes mais qui ne mentait pas, ne trichait pas, qui n’essayait pas de plaire à son chef afin d’obtenir une faveur. Il détestait les comportements avilissants, les agissements de caniveaux.

Aziz détestait surtout fayoter, une basse pratique très répandue chez nous. Cependant lorsqu’il a commencé à accéder aux hautes fonctions il a commencé à aimer que les autres s’adonnent à toutes sortes d’infamies pour lui.

Cela dénote de son égo surdimensionné. Est-ce sa vraie nature, tant il est dit que c’est au sommet de la gloire que l’homme porte sur le coeur ce qu’il est réellement. En tout cas les années « 90 », il a su tenir tête aux nombreuses charges d’officiers cousins de Maawiya, en refusant de s’aplatir.

Cette attitude très noble lui a coûté cependant sa place au Basep en 1991. D’ailleurs c’est durant ces années sombres qu’il a tissé de bonnes relations avec l’actuel président Mohamed Ould Cheikh Ghazwani, son jeune sorti de Meknès en 1981 comme lui, mais une année après. Aziz a choisi sans doute Ghazwani pour son caractère très calme et posé comme lui tout au début de leur carrière.

Même pendant sa traversée du désert de 1991 (muté au BCS) jusqu’à son retour au Basep en 2000, Ghazwani ne s’est jamais détourné de son ami. Un autre aurait sans doute cédé à la pression de Ould Lekwar, Ould Vaida, Ould Maazouz ou Cheikh Ould Chrouv et d’autres officiers ou magnats proches de Maawiya. Tous avaient un point commun à savoir la détestation de Mohamed Ould Abdel Aziz. N’oublions pas également en 2012, après le tir de la « balle amie », que Ghazwani a subi toutes sortes de pression afin de faire un coup d(Etat contre son ami. Ce qu’il a catégoriquement refusé.

Pour dire vrai Aziz a la peau d’un pachyderme, et que s’il avait mis son jusqu’auboutisme au service de la bonne cause, il aurait rivalisé avec l’honorable calife Oumar Ibn Khattab, quant à la droiture et la compassion. Mais hélas Aziz a choisi un autre sentier non lumineux, allant cette fois de chantier à chantier …jusqu’à la résidence surveillée.

Ainsi jusqu’en 2005, Aziz n’avait rien à se reprocher, à propos des valeurs que doit véhiculer un officier patriote, digne de ce nom. Après cette date, les digues rétives aux sirènes de la gabegie et au culte de la personnalité ont cédé. Haro sur le patrimoine du peuple mauritanien.!!!

2/ Aziz le milliardaire :

Pris en sandwich car issu d’une tribu relativement aisée et dont une partie ne jure que par et pour l’argent, époux d’une femme issue également de l’ensemble tribal le plus florissant de Mauritanie, le pauvre Aziz a aussitôt été happé par le virus de la finance.

Et comme l’appétit vient en mangeant, Aziz a juré de se hisser en haut du podium, être tout au plus au même niveau que Ehel Nouegued, ou au moins dépasser son cousin et désormais ennemi juré, le richissime banquier Mohamed Ould Bouamatou. Son caractère particulier, qui verse souvent dans l’égocentrisme et l’impériosité fera le reste. Il est inutile de reprendre les péripéties du détournement « stratégique » des deniers publics, étalées sur deux mandatures, du président pauvre, se disant président des pauvres.

Comment Ould Abdel Aziz en est-il arrivé là? En engrangeant le pactole de quelques dizaines de milliards, qui pouvaient changer la vie de ses concitoyens, Aziz a voulu revenir aussi en 2019, après avoir cédé la place à Ghazwani. Il voulait encore avoir sa « part du budget de la mandature de son successeur ».

Une arrogance qui découle du mépris que certains responsables politiques ont vis à vis de leurs populations. Preuve que tout est détourné à des fins personnelles, et que les responsables politiques ne se soucient pas de leurs administrés. L’épanouissement du citoyen, son bien être sont rarement la préoccupation des gouvernants qui n’attendent que le budget pour détourner et hop…on attend l’année suivante. Tous attendent maintenant le budget de 2023.

Cette « pluie de l’expérience qui jamais n’instruit  » va durer jusqu’à quand? Et si on mettait l’argent du fonctionnement de tous les ministères sur les salaires, les allocations familiales et l’assurance maladie; les populations ne s’en sortiront-elles pas mieux ?

3/Mohamed Ould Abdel Aziz en résidence surveillée:

Personne n’imaginait un jour Aziz en prison à l’Ecole de Police d’abord, ensuite en résidence surveillée dans sa propre maison, suite à un malaise. A-t-il enfin compris que personne n’est indispensable sur cette terre et que toute entreprise humaine a une fin? A-t-il enfin compris que sans une posture ( président de la république) et des instruments ad hoc( Basep, Armée, Police sous ses ordres), il n’est désormais qu’un simple citoyen comme nous tous? Aziz savait-il que parfois les milliards détenus n’empêchent pas l’humiliation, la prison, la maladie , encore moins la mort?

Ah encore une fois si Mohamed Ould Abdel Aziz n’était pas porté sur l’argent, il aurait été un excellent dirigeant panafricain, respecté et dont les conseils, la diligence seraient sans doute sollicités de Rabat au cap de bonne espérance.

B/ Que doit faire le président Mohamed Ould Ghazwani?

En moins de deux ans, il a pacifié le microcosme politique mauritanien, en amadouant même les extrêmes tels Biram Dah Abeid, un opportuniste lutteur qui profite du lumpen prolétariat hartani pour assouvir un dessein pro domo. Ce n’est point agressif que quand on qualifie la lutte de Biram au profit des Haratines de « fangeuse grandeur et de sublime ignominie » selon une expression légendaire du poète Baudelaire.

Quant à Samba Thiam dont certaines revendications au nom des négro-mauritaniens sont anachroniques, il ferait mieux de juguler son militantisme victimaire, au profit d’un engagement opportun. Car la caractériologie du président Mohamed Ould Ghazwani, son éducation lui confèrent la préséance consensuelle.

Il déteste les brouhaha, les slogans manifestes, etc…alors sur quoi va-t-il dialoguer et avec qui ?. Je recommande à Ghazwani qui est un homme foncièrement bon et qui n’a jamais fait du tort à qui que ce soit, de ne jamais se laisser berner comme Maawiya. Maawiya a laissé des gens détourner le denier public quand lui-même n’était pas porté sur l’argent. On a torturé et exécuté des mauritaniens pour la « gloire » à Maawiya, alors qu’il ignorait ce que son état-major tramait. Enfin de compte il est devenu un paria pour beaucoup de ses concitoyens pour des crimes qui l’ont transcendé.

Monsieur le président quand un responsable détourne des biens destinés auparavant à la collectivité, la loi exige qu’on le punisse. Ce n’est pas vous qui le châtiez, et vous n’irez pas en enfer pour ça, au contraire.

J’ai une autre lecture qui consiste à attirer votre attention sur le fait que tous ceux en qui vous avez placé votre confiance, et qui détournent ou fautent, ne vous respectent pas. Moi quelqu’un qui ne me respecte pas, sa place c’est le gnouf, bien sûr à condition d’enfreindre la loi qui nous lie et qui régit notre contrat social.

Enfin monsieur le président, vous n’ignorez pas que vous qui êtes un officier de valeur que quand on est sur un champ de bataille et que l’ennemi fasse plusieurs jours sans se manifester ,c’est qu’il mijote probablement une offensive d’envergure pour en finir avec son vis à vis.

Dans ce cas méfiez-vous des eaux dormantes, cela peut signifier le calme avant la tempête. L’Histoire nous enseigne que toutes les révolutions ont d’abord mûri des années durant et ont éclaté au moment où on ne les voyait pas venir.

Le calme olympien de l’opinion mauritanienne ne garantie pas la sérénité dans l’absolu si vos ministres, vos directeurs de départements et vos officiers n’auront pas épousé les valeurs cardinales de la déontologie professionnelle. Le trésor public regorge d’argent, les hommes et femmes vierges de tout Compromission  existent; alors pourquoi sommes-nous toujours à la traine?

Que chacun assume ses responsabilités, le juge suprême ici c’est vous. Qu’Allah vous guide sur le droit chemin, afin que la Mauritanie aille de l’avant et surtout ne me dites pas un jour que vous ne saviez pas. Encore une fois monsieur le président , ne vous laisser pas berner par votre entourage, comme il l’a fait à Maawiya, et à Aziz. Vous êtes entré dans l’Histoire par la grande porte, n’en sortez pas par la petite car en toute chose, il faut considérer la ..fin /.

Ely Ould Krombelé, FR

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