La guerre d’Ukraine et la nouvelle question énergétique ont été deux sujets débattus lors de la session d’automne du 43e édition du Moussem culturel international d’Assilah
La montée des prix du pétrole, concomitante à la pénurie du gaz, risque de faire plonger le Vieux Continent dans une récession économique
La guerre d’Ukraine et la nouvelle question énergétique ont été deux sujets débattus lors de la session d’automne de la 43e édition du Moussem culturel international d’Assilah, au Maroc, qui vient de se terminer. Ces deux thèmes sont intrinsèquement liés, bien que l’événement, supervisé par l’ancien ministre des Affaires étrangères marocain Mohamed Benissa, leur ait consacré deux colloques distincts marqués par la participation d’éminents chercheurs et d’experts internationaux.
L’un des enjeux principaux de la récente guerre d’Ukraine repose indéniablement sur les défis relatifs à la sécurité énergétique mondiale. L’Europe, poumon de la société industrielle contemporaine, est aujourd’hui au centre de cette nouvelle question énergétique.
Il va sans dire que les sanctions occidentales imposées à la Russie depuis le déclenchement de la guerre ukrainienne ont eu comme répercussion majeure l’interruption partielle du gaz naturel russe, qui était la source principale des produits énergétiques fossiles consommés par les pays européens.
La montée des prix du pétrole, concomitante à la pénurie du gaz, risque de faire plonger le Vieux Continent dans une récession économique.
Si, au sein de l’administration américaine, des voix se sont fait entendre pour faire endosser la responsabilité de la flambée du pétrole aux pays producteurs (notamment l’Arabie saoudite), les raisons objectives de la crise énergétique actuelle sont multiples et diverses.
La guerre ukrainienne en est certes l’une des principales causes directes, mais les enjeux énergétiques mondiaux sont complexes. L’un d’eux relève de la donne stratégique globale au niveau des équilibres géopolitiques issus de la période postérieure à la guerre froide.
Les pays de l’Union européenne, tout en privilégiant le partenariat économique avec la Russie, ont manifesté le souci de l’exclure de l’ordre de sécurité collective continentale. La croissance des économies européennes (allemande, en particulier) a été en grande partie liée au pétrole et aux gaz russes accessibles et bon marché. L’intégration de la Russie dans la dynamique industrielle et technologique européenne était ainsi réduite aux transactions énergétiques.
L’initiative de coopération lancée en 2006 entre les pays membres l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et les autres dix états producteurs menés par la Russie (Opep+) visait la stabilisation des prix de l’énergie fossile en prenant en compte à la fois les intérêts des producteurs et des consommateurs.
Le temps de l’alignement systématique des pays arabes du Golfe – qui accaparent les principales réserves mondiales du pétrole – sur les positions occidentales en période de conflictualité de haute tension avec la Russie est révolue. Le partenariat d’intérêt qui lie ces pays avec la Russie relève à l’évidence des enjeux économiques et ne saurait augurer d’un infléchissement d’orientation stratégique de quelque nature que ce soit.
Il en résulte l’enchevêtrement complexe et problématique des enjeux économiques et stratégiques au niveau occidental. Un expert européen qui participait au colloque d’Assilah a relevé cette confrontation déroutante, remarquant que, pour la première fois depuis l’instauration du système international contemporain, les pays occidentaux se trouvent dans une position d’isolement au niveau mondial.
Pratiquement aucun pays n’a soutenu l’annexion russe des territoires ukrainiens ni appuyé la guerre de Poutine, mais la plupart des États non occidentaux se sont gardés de s’immiscer dans le conflit actuel.
Le refus de politisation de la question énergétique est en effet une ligne de conduite définitive préconisée par les producteurs du pétrole, qui sont soucieux de préserver la sécurité de cette matière vitale pour l’économie mondiale des aléas des tensions géopolitiques internationales.
Tout récemment, une activiste de la société civile congolaise a fustigé «la collusion d’intérêt» entre les grandes sociétés pétrolières européennes et les gouvernements corrompus d’Afrique, qui explique, selon elle, la montée des sentiments antioccidentaux dans plusieurs pays africains pauvres, mais dotés d’immenses richesses naturelles.
Cette prise de conscience des élites africaines traduit une velléité d’indépendance et d’autonomie par rapport aux politiques énergétiques européennes qui rejoint la position des pays arabes. En effet, ces derniers s’efforcent de défendre leurs intérêts économiques sans se plier aux pressions ni aux contraintes politiques étrangères.