Le Collectif chargé de la défense de l’ancien président de la république, Mohamed ould Abdel Aziz : communiqué
Au vu du rejet systématique par la Cour criminelle des exceptions que nous soulevons, de quelque nature qu’elles soient.
Au vu de sa volonté clairement affichée de nous priver d’invoquer librement nos moyens de défense, et d’en exposer les fondements. Au vu de son refus de statuer sur l’irrecevabilité de la constitution de partie civile de l’État, de la Somelec , de la SNIM et de sa fondation, se contentant de passer outre.
Au vu de l’alignement systématique de la Cour criminelle sur les demandes du parquet, en violation de la règle de séparation des organes d’accusation et de jugement.
Au vu de toutes ces violations criantes de la règle du contradictoire, et des principes directeurs du procès équitable, nous nous sommes retirés de la salle d’audience pour protester contre ce musellement de la défense.
A cet effet, nous entendons éclairer l’opinion publique nationale et internationale sur ce qui suit :
1) Nous avons demandé à la Cour criminelle d’annuler tous les actes de procédure pris sous l’empire de l’article 47 de la loi relative à la lutte contre la corruption, lequel article prévoit expressément une récompense pour le juge, correspondant à un pourcentage des biens saisis ou confisqués.
Cet article a été déclaré anticonstitutionnel par le Conseil Constitutionnel dans sa décision n°07/2023 du 6/3/2023, en ce qu’il viole l’article 90 de la Constitution ainsi libellé : « Le juge n’obéit qu’à la loi. Dans le cadre de sa mission, il est protégé contre toute forme de pression de nature à nuire à son libre arbitre ».
Le Conseil constitutionnel a en effet considéré, sur recours du Collectif chargé de la défense de l’ancien président, que l’article 47 susvisé porte atteinte à l’intégrité et à l’impartialité du juge, qui ne saurait rendre des décisions équitables sous la promesse d’une récompense.
Il était dans l’ordre normal des choses que nous invoquâmes cet article devant la Cour criminelle pour lui demander d’annuler tous les actes pris par le pôle chargé de l’instruction, sous l’empire de l’article 47 déclaré inconstitutionnel.
2)Nous avons également demandé à la Cour de déclarer irrecevable la constitution de partie civile de l’Etat ainsi que celles de la SNIM et de sa fondation pour les raisons pertinentes suivantes :
-l’Etat ne saurait se constituer partie civile en demandant des dommages-intérêts dans une procédure de biens présumés mal acquis, qui vise exclusivement la restitution des biens, et non l’indemnisation.
-La procuration concernant l’État n’émane pas d’une autorité ayant qualité à cet effet.
-La fondation n’a pas capacité pour ester en justice, car n’étant pas déclarée.
-Le défaut de qualité pour les sociétés d’ester en justice, en l’absence d’une saisine de la part des associés, visant à la réparation du préjudice présumé subi.
3) La Cour qui, au préalable a joint au fond l’exception d’incompétence des juridictions de droit commun pour juger l’ancien président, rejeté la demande de mise en liberté provisoire de notre client en violation des textes qui gouvernent les actes préparatoires aux sessions criminelles, nous a également interdit au cours de l’audience d’aujourd’hui, d’exposer en toute liberté nos demandes nouvelles, avant de rejeter en toute illégalité nos exceptions de nullité, et de passer outre à nos demandes d’irrecevabilité de l’Etat comme partie civile ; le tout en toute ignorance de l’article 285 du code de procédure pénale, qui stipule que toutes les parties ont le droit d’adresser des requêtes à la Cour, sur lesquelles elle doit impérativement statuer ; ce qui veut dire à contrario qu’à défaut de statuer sur les requêtes des parties, la Cour commet un déni de justice.
4) En l’absence du respect des principes les plus élémentaires du procès équitable, au vu de la privation du droit de défendre en toute liberté notre client, du rejet déguisé de nos demandes sous forme de jonction au fond, du passer outre, de l’alignement systématique de la Cour criminelle sur les réquisitions du parquet en violation de la séparation des organes d’accusation et de jugement, nous avons décidé de nous retirer jusqu’à nouvel ordre de la salle d’audience, tout en exprimant notre attachement à toutes les garanties de droit qui fondent un procès équitable.
Le Collectif.
Nouakchott le 20/03/2023.