La rupture budgétaire dont on a besoin. Mohamed El Mounir
J’ai une folle envie de faire subir à l’État mauritanien un régime sec, sans sel, sans sucre et sans graisse, en passant son budget au crible, pour faire la chasse aux dépenses inutiles, en traquant toutes les institutions qui n’existent que de nom, qui n’ont pas vraiment de valeur ajoutée, sans aucun service rendu et qui pèsent sur le budget de fonctionnement de l’Etat.
Je vais commencer par supprimer les mille et une institutions fantoches et budgétivores, comme le Conseil Constitutionnel, le conseil économique et social, le Haut conseil islamique et les dizaines d’autres conseils plus ou moins inutiles, diwanelmadhalim, l’agence mauritanienne d’information, la télévision et la radio nationales, les représentations diplomatiques dans les contrées exotiques,
les innombrables autorités de régulation qui peuvent être fusionnées en une seule, tout le chapelet d’institutions administratives approximativement utiles, inexistantes de par leur bilan, mais dotés de budgets conséquents et qui ne servent qu’à renforcer le caractère hypertrophié, tentaculaire et tatillon de notre bureaucratie. C’est un luxe en effet de continuer à entretenir cette foultitude d’institutions qui ne servent à rien.
Je vais aussi opter pour un gouvernement resserré, afin d’économiser des moyens et donner du sens aux politiques d’investissement public, en fusionnant certains ministères ou en transformant d’autres en directions rattachées à la primature. Je vais laisser juste les ministères qui ont un impact économique et social et les ministères de souveraineté (intérieur, défense, affaires étrangères).
Je vais réduire le coût de fonctionnement et le train de vie de l’État, en allégeant significativement le budget des dépenses communes en limitant les voyages officiels non productifs et en interdisant les dépenses de prestige, comme l’acquisition de V8 dont le coût d’un seul véhicule peut construire un dispensaire rural.
Quand on a un problème de ressources, donc de priorités, il faut oser sortir des sentiers battus, à travers une approche révolutionnaire qui va s’appuyer sur la définition d’indicateurs pour mesurer l’impact social ou économique des interventions publiques. Toute institution ou administration ou entité publique qui ne répond pas à ces indicateurs doit être supprimée.
Cet exercice sain de dégraissage l’État, par la rationalisation de nos ressources publiques, devrait nous permettre de dégager des économies significatives qu’on pourra allouer en priorité au financement des fonctions vitales et au développement des services de base (eau, électricité…) et les secteurs sociaux, pour traiter les vraies sources de la pauvreté.
Le budget est une chose trop sérieuse pour être laissée exclusivement aux technocrates du ministère des finances; il s’agit d’un acte politique par excellence supposé traduire les priorités politiques. C’est sur cette base que le gouvernement devrait définir les marges budgétaires, et non les subir, en reproduisant mécaniquement une structure et des contraintes existantes, sans les remettre en question.
Le problème de l’investissement public et de la lutte contre la pauvreté est en effet lié à ces contraintes budgétaires, qui résultent d’hypothèses établies, sur la base de la structure de l’État et du gouvernement, ainsi que de choix hérités du passé. Une telle approche n’est plus pertinente.
Il faut donc avoir le courage de la remettre en question afin d’élargir la marge de manœuvre budgétaire, pour mener des réformes ambitieuses et sortir définitivement de la logique d’expédition des affaires courantes dans laquelle se complait le gouvernement actuel.