Défis et enjeux des industries extractives pour les pays d’Afrique
A l’occasion du lancement le 30 Mai dernier de la première phase du projet OMLC/PNUD/USAID destiné au renforcement des capacités et à la sensibilisation des acteurs de la Société Civile dans le domaine extractif, le Président de l’OMLC Mohamed Abdallahi Belil a présenté une communication sous le thème : « Défis et enjeux des industries extractives pour les pays d’Afrique ».
Le conférencier a d’emblée présenté les définitions exactes de certaines notions. D’abord concernant la qualification de pays riche en ressources.
Un pays est dit riche en ressources en hydrocarbures et/ou en ressources minérales s’il satisfait aux critères suivants : Un pourcentage moyen de recettes dérivant des hydrocarbures et/ou des minerais représentant au moins 25 % des recettes budgétaires totales pour les trois années précédentes ; ou n pourcentage moyen des recettes d’exportation des hydrocarbures et/ou des minerais représentant au moins 25 % des recettes totales d’exportation pour les trois années précédentes. » (FMI, 2004).
S’agissant des caractéristiques des Industries Extractives (IE), le conférencier a précisé qu’elles sont propriété de l’Etat ; non renouvelables ; génèrent beaucoup de richesses, sont source de grande corruption ; sont convoitées par les multinationales et les grandes puissances mondiales et suscitent conflits et guerres civiles.
De grands défis à relever
Et pour les défis des IE selon l’approche Gouvernement/Citoyens ils se résument à la décision d’extraire ; obtenir des conditions avantageuses ; assurer la transparence des revenus ; gérer des ressources volatiles et investir pour un développement durable.
L’exploitation des IE pose souvent des problèmes aux pays exploitants. Sur ce point, le conférencier a fait état de la thèse de la croissance appauvrissante de Bhagwati qui démontre que l’intégration des pays riches en ressources dans le commerce international par le biais d’une spécialisation dans l’exportation des produits primaires, peut se traduire par un processus d’appauvrissement desdits pays.
Cette théorie repose sur une idée simple selon laquelle une amélioration de la capacité d’offre de certains produits existants, exportés, tend à faire baisser leur prix sur les marchés mondiaux, à un point tel que la croissance devient paradoxalement dommageable.
Autres problèmes posés par l’exploitation des IE : Développement des enclaves économiques ; Volatilité des cours ; Corruption et détournements ; Pauvreté, exclusion, inégalités ; Conflits armés, guerres civiles ; Revendications indépendantistes et Dégradation de l’environnement.
Abordant les dimensions politico-économiques, le conférencier a fait état de l’émergence d’Etats rentiers, déconnectés des populations à la base, gérés de manière solitaire pour conserver la rente, soucieux d’entretenir les forces armées et de sécurité, d’où la récurrence des troubles dans les zones d’exploitation, préoccupés par la gestion d’une économie rentière au service du maintien de la stabilité sociopolitique.
La gestion de cette économie rentière pose problème. Elle se manifeste par l’opacité (cas des comptes hors budget) ;la faible lisibilité des revenus pétroliers ; un cadre juridique souvent inexistant ou existant et non appliqué et l’absence de codification dans l’utilisation des recettes pétrolières (paiement dette extérieure, paiements exceptionnels).
La dimension économique se caractérise plus spécifiquement par le paradoxe de l’abondance, la malédiction des ressources naturelles, le syndrome hollandais, les enclaves économiques et la désarticulation de l’économie (thèse de Bairoch).
Dans le contexte des pays du Tiers Monde, aucun de ces quatre effets ne joue selon cette thèse. Le secteur extractif est sans lien direct avec le reste de l’économie ; il n’a donc pas d’effets d’entraînement sur le potentiel productif national ; le lien entre le secteur extractif et le reste de l’économie passe par le budget de l’Etat qui récupère une partie des ressources ; finalement, l’impact de l’industrie extractive sur le reste de l’économie dépend de la manière dont sont utilisés ces revenus par l’Etat.
Les dimensions sociales de l’exploitation des ressources naturelles sont souvent assez lourdes, avec la destruction de l’environnement (déforestation au Gabon, pétrole au delta du Niger, uranium au Niger, l’or au Botswana) et la destruction des vies entières (déplacements forcés des sites miniers, destruction des terres cultivables, pollution des rivières, endommagements des parcs).
Et pour les dimensions politiques, on note l’affaiblissement des institutions politiques, l’absence d’alternance politique, la corruption, les conflits armés/crises politiques et la faible participation des citoyens à la gestion des affaires publiques.
Cas de la Mauritanie
Pour le cas de la Mauritanie, le conférencier affirme que le pays s’achemine vers les conventions gagnant/gagnant. En effet le code minier exige 10 à 15% au départ.
Les revenus issus des IE doivent être investis en priorité dans les secteurs sociaux (Santé/Education/APE …)
A l’instar des pays exploitants la Mauritanie a créé un fonds des générations futures. Ce fonds est logé à la Banque de France et tous les opérateurs qui doivent virer de l’argent à la Mauritanie le font à travers ce compte. Depuis 2006 ce fonds n’a été audité que sur 3 ans et l’audit n’a jamais été publié. Dans les normes ce fonds doit être audité tous les ans. Ce fonds devrait avoir une gestion saine comme tel est le cas dans un pays comme la Norvège qui n’utilise que 6% des intérêts du fonds.
Selon le conférencier, en Mauritanie on a besoin d’un fonds de péréquation comme au Ghana.
Bakari Gueye