Projet de loi sur les violences faites aux femmes : plaidoyer d’ABEPAB auprès des parlementaires …
Tahalil Journal – Le projet de loi relatif à la lutte contre les violences à l’égard de la femme et de la fille continue de faire débat en Mauritanie. L’ONG Agir pour le Bien-être des Enfants, Personnes âgées et Déficientes (ABEPAD), a organisé ce 10 octobre 2023 à Nouakchott, un atelier d’échange autour de cette loi avec les parlementaires, les journalistes, et les membres de la société civile.
L’ONG ABEPAD, a organisé, ce 10 octobre 2023 à Nouakchott, un atelier d’échange autour du projet de loi relative à la lutte contre les violences faites à la femme et à la fille. Une activité qui s’est déroulée en présence de cinq parlementaires et non des moindres, des journalistes, du représentant du MASEF, du représentant de l’Observatoire des droits de la femme et de la fille, des universitaires et des membres la société civile.
A l’ouverture de l’atelier, Mme Yandé Sall, présidente de l’Ong ABEPAD, a indiqué qu’il était nécessaire d’organiser une telle rencontre en vue d’échanger sur le projet de cette loi. Une opportunité pour organiser un plaidoyer en faveur des femmes et destiné aux parlementaires pour voter massivement pour son adoption.
D’emblée, le consultant, Dr Ba Youssouf, a présenté la loi dans sa globalité pour imprégner les participants sur le contenu de ce projet de loi qui fait couler beaucoup d’encre et de salive. Ces derniers temps, certains leaders religieux étaient montés au créneau pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme une atteinte à l’islam et aux valeurs musulmanes.
La société civile, les femmes notamment lèvent la voix pour aussi dénoncer une discrimination contre elles. Tout un branle-bas de combat avant le vote des députés à l’assemblée nationale.
L’atelier s’est tenu donc dans un contexte marqué par une vive polémique liée à la problématique de cette loi. L’objectif de cet atelier est de faire un plaidoyer auprès des parlementaires pour l’adoption de ce projet de loi par l’assemblée nationale. Le débat s’est tourné autour de cette problématique liée à la compréhension du contenu de la loi qui parle de ses dispositions générales en mettant l’accent sur la prévention, la protection des victimes au sens large et les sanctions mais également des procédures juridiques.
Sensibiliser pour mieux comprendre la loi
Beaucoup d’observateurs, acteurs et praticiens du droits sont d’avis qu’il faut sensibiliser l’opinion pour mieux comprendre la loi dans sa globalité avant d’agir ou de se prononcer sur son opportunité ou non. Le Professeur sociologue Sow Samba, a interpellé les parlementaires sur leur position et leur poids pour faire passer la loi qui était proposée au début, au défunt Sénat avant qu’elle n’atterrisse à l’assemblée nationale.
Il y a selon lui un problème de définition et de concept. Car, pour les leaders religieux, cette loi serait contre l’islam. Ce que réfutent certains praticiens du droit et les acteurs de la société civile. Le débat est donc posé.
Pour le consultant, l’objectif de la loi est de faire reculer les violences faites aux femmes à défaut de les éradiquer. Donc la loi est là pour prévenir, protéger et sanctionner les fauteurs. Il faut à cet effet des acteurs pour porter ce projet afin de le valider pour protéger les femmes. D’ailleurs, soutient-il, la loi s’inspire des valeurs fondamentales de l’Islam. C’est pourquoi, le législateur a mis en place un cadre juridique pour la prévention, la protection des victimes mais aussi punir les auteurs afin de les dissuader sur de tels actes.
Pour rappel, la Mauritanie a signé en 1990 la convention internationale pour l’éradication des violences faites aux femmes (la CEDAW) alors que celle-ci a été instituée depuis 1979.
Les députés favorables à la loi …
Le député et tonitruant Khaly Diallo a soutenu qu’il y a un manque cruel de présence des femmes sur le terrain pour plaider en faveur de cette loi et appuyer la minorité de parlementaires favorable à son adoption.
Mieux, dit-il, « il n’y a pas de raison que ceux qui connaissent la vérité continuent de se taire par crainte d’être taxé de tel ou tel ». Et de poursuivre : « certains leaders religieux développent des doctrines qui sont totalement fausses et contraires à l’esprit de la loi ».
Il a aussi interpellé la société civile de soutenir et d’accompagner les députés. Pour son collègue, Yakharé Soumaré, « on n’est pas en train de faire une loi contre les musulmans mais pour les êtres humains ». Et de renchérir : « nous ne sommes pas à couteaux tirés mais il faut sensibiliser les récalcitrants sur l’importance et l’opportunité de la loi qui, si elle est votée, c’est une racine de la violence contre les femmes qui est coupée ».
Alors, « il faut sensibiliser la société pour avoir la paix sociale, car, a-t-elle souligné, ce n’est pas une affaire ou un combat entre les femmes et les hommes ». Elle a aussi soulevé certaines difficultés liées à l’harmonisation des textes, à la traduction de l’Arabe vers le Français. Pour sa part, l’honorable député Balla Touré, soutient que « si le gouvernement veut, cette loi va passer comme toutes les autres lois qui ont été votées par la majorité parlementaire ». Il a toutefois dénoncé l’article 38 de cette loi qu’il trouve léger. Il a soutenu que les hommes ne sont pas punis et les femmes sont lésées dans ce cadre.
A son tour, le député Mohamed Abdou Ndiaye, de la majorité parlementaire a déclaré qu’il faut prendre une position commune dans l’intérêt général et a toutefois souligné qu’il vient de prendre connaissance de la loi. Néanmoins, il sensibilisera ses collègues, en tant que président d’un groupe parlementaire.
Les journalistes présents ont proposé la vulgarisation du projet de loi afin que l’opinion et les acteurs comprennent son contenu. Et cela passe par une organisation qui réunira tous les acteurs pour faire un bon plaidoyer en faveur de cette loi. Ils n’ont pas manqué de soulever les pesanteurs sociales qui prennent parfois le dessus sur l’importance de certaines lois à mesure de réguler la société.
Le Pr Sow Samba a rebondi pour dire que le député a une conscience sur son peuple, car, « le droit est une norme culturelle ».
Tout compte fait, les échanges ont été fructueux et des espoirs sont de mise quant à l’adoption par la majorité des parlementaires, de cette loi sur les violences faites à la femme et à la fille pour mettre un terme à plusieurs abus impunis contre cette frange de la société.
Ibou Badiane