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L’interminable nuit blanche des généraux

Entre le désir de rester ou l’obligation de partir, il y a la loi qui libère. Au-delà de l’exigence ou du besoin pour l’Etat de vouloir conserver pour une période donnée une nomenclature de ses fonctionnaires, se dresse alors le diktat de la nature qui impose son inévitable logiciel ontologique, à savoir: tout est bien qui finit bien.

Aucun être pensant n’ignore que dans cette vie tout a une fin, même la loi qui prétend structurer les rapports humains. Et quand la fin arrive, nul marabout de Boutilimit, de Nimjat, encore moins de Kaolack ne seraient en mesure d’endiguer ou d’escamoter le dommage transcendantal.

Tout commencement est justifié par une fin et de cette fin découle un autre et périssable commencement, jusqu’à la fin des temps. Allah en a voulu ainsi.

Voyez-vous ce monde hétéroclite, chaotique où justement les montagnes, les cours d’eau, les milliards de grains de sable étalés à perte de vue entre Nouakchott et Boutilimit, les insectes de l’Amazonie, les fourmis de l’Adrar, les tigres du Bengale, les généraux de Mauritanie etc.., tous ces êtres sont régis par un ordre immuable, un principe de causalité où chaque monade joue son rôle existentiel jusqu’à sa disparition, sa mutation ou sa transformation. Allah aime l’ordre et n’a rien laissé au hasard.

Autrement, point de contingence, au contraire tout est créé par nécessité et disparaît par et pour une autre exigence de nécessité. Voilà qu’ il n’est point besoin également de vanter la syllogistique du magister Aristote qui a voulu démontrer par deux évidentes prémisses et une conclusion perceptive, l’inéluctabilité de la mort ……la mort de Socrate.

Puisque je disais tantôt que tout a une fin, il faut noter en premier le service rendu à leur pays de la douzaine de généraux et la vingtaine de colonels, et qui sont tenus d’aller à la retraite cette année. La question qui se pose maintenant n’est pas le pourquoi du départ de ces 13 généraux et de la vingtaine de colonels en même temps et au cours de cette « maudite » année 2023. Mais comment le ministère de la Défense s’est mis sur la même orbite de l’alignement des astres qui a enclenché le système de départ à la retraite de tous ces officiers au même moment? Que valent les prévisions, ou les planifications ministérielles? Existent-elles vraiment?

Si on ne peut pas répondre au « pourquoi » des faits parce que provenant du dogmatique, le « comment » relève quant à lui de la pensée discursive, de la déduction basée sur le raisonnement d’ordre scientifique, là où rien n’est laissé au hasard. C’était le rôle primordial du ministère de la défense, que de prévoir, de planifier, en vue d’exprimer les besoins de l’Armée en officiers généraux, en officiers supérieurs, ou officiers subalternes, en sous-officiers ou hommes du rang, en armement, en munitions, en habillement, en logistique, en instruction, donc en unités combattantes …le tout pour le court et le long termes.

Afin que l’Etat-Major National puisse se charger de l’exécution sur le terrain de toutes ces instructions ministérielles, quand même qu’elles doivent relever naturellement de notre doctrine d’emploi. En avons-nous une d’ailleurs? Une Armée qui ne planifie pas, risque d’avoir des surprises beaucoup plus néfastes.

La moindre, c’est la perte en une seule année d’une douzaine de généraux et d’une vingtaine de colonels dont certains sont encore capables d’apporter à la nation leur savoir-faire et de prouver aussi les dividendes de leur savoir-être.

A/ Une attente insupportable jusqu’au 31 décembre 2023 à minuit…

Tant qu’il y a vie, il y a espoir. Certes. Et cet espoir digne de la patience de Pénélope qui a attendu des années durant son époux Ulysse d’Ithaque, revenant de la guerre de Troie, me rappelle également, plus près de chez nous, celui des inconditionnels disciples du célèbre saint de Nioro du Sahel, Cheikhné Ahmedé Hamahoullah, déporté en France en 1940 et décédé, d’après les archives françaises, en 1943 à Montluçon, une sous-préfecture de l’Allier.

Ces inconditionnels hamallistes aspirent encore à la venue du saint homme. Une vieille maman de Nioro, « fanatisée » attend et de manière impatiente cette fois le retour de Cheikhné Ahmedé Hamahoullah; puisque d’après elle : »ses chaussures, son turban, et son boubou sont déjà venus ». …Il en est de même pour certains de nos généraux et colonels qui aspirent encore à une prolongation de « deux ans » à défaut du maintien au cas par cas !!!

Et dire que tous ont servi plus de 40 ans dans l’Armée. Compréhensible… ils ne veulent pas se séparer de cette Grande Muette qui leur a tout donné. C’est pourquoi le simple fait de vouloir céder la place aux autres, donne des convulsions aux plus « radicalisés », comme l’inconditionnelle vieille femme de Nioro du Sahel…. Les symptômes de la déception des généraux partant cette année, risquent de prendre une tournure épidémique jusqu’au 31 décembre 2023 à minuit, cependant que les disciples hamallistes ont toujours de l’espoir… depuis 1940.

Il est indéniable que le départ cette année de certains colonels et surtout certains généraux, risque de baisser le curseur du niveau de compétence recherchée et dont l’acquisition a exigé, au préalable un degré d’allant, d’expérience voire de professionnalisme chez nos braves officiers dans l’exercice de leur longue et riche carrière militaire.

Ainsi la Marine va perdre un amiral qui n’a jamais sollicité l’apport de professeurs de mathématiques ou de physique pour donner des cours de rattrapage à ses enfants. Il s’en chargeait lui-même. D’autre part il sera inimaginable de laisser le général Hamadi Ould Ely Maouloud ,directeur de l’Air, camper à guelb Ngadi, alors que les officiers en stage à l’Ecole de Guerre de Nouakchott, gagneront à profiter de ses immenses connaissances en combat, surtout en tactique militaire, dans laquelle, il est l’un des meilleurs de notre histoire militaire.

Ils sont deux généraux, issus de la 4éme promotion (dont je fais partie) , le Cemga actuel, le général de division Moktar Bollé Chaabane et le brigadier Hamadi Ely Maouloud, tous deux excellents sur le plan militaire. Est-il permis de douter de leur compétence et de leur professionnalisme quand même que parmi toute une promotion, ils aient été les seuls à arborer des étoiles sur leurs képis?

Il y a aussi un autre général du matériel, plus malin qu’un renard, très intelligent, d’une culture rare et qui se cache, évoluant en électron libre et qui n’a jamais été à la place qu’il faut, puisqu’on ne l’a jamais utilisé à bon escient. C’est le général Mohamed Ould Ely qui sert actuellement à la primature. Tant de talents biaisés..

Enfin, il y a le général de division Mesgharou Ould Sidi, qui mérite un poste de conception doctrinaire, car en brillant officier, je suis persuadé qu’il ne sollicitera pas l’apport d’un traducteur, ni en français ni en l’Arabe. N’oublions pas non plus des colonels encore relativement jeunes,: artilleurs, fantassins, médecins, techniciens, ingénieurs( Ecole Polytechnique) etc…qui ne manquent pas de hargne, mais qui sont admis cette année 2023 ou seront admis à faire valoir leurs droits à la retraite également en 2024. Un gâchis…

B/ A quoi faut-il s’attendre en 2024 ?

Y aura-t-il une seconde hécatombe en 2024 et qui puisera de l’Armée cette fois toute sa substance grise? Le chef suprême des Forces Armées et de Sécurité, le président Mohamed Ould Ghazwani qui, en 2024 peut briguer un second mandat qui devra le conduire à diriger la Mauritanie jusqu’en 2029, aura l’obligation morale de se pencher sur cette éventualité.

Il faut éviter que notre Armée ne soit confiée dans deux ou trois ans à de jeunes officiers, souvent des « fils à papas », peu crédibles, manquant surtout de professionnalisme et de rigueur éthique, autrement sans scrupules. Certes il faut céder la place à la nouvelle génération, mais il faut aussi que la pyramide hiérarchique ne subisse un coup de grisou, ce gaz incolore et inodore mais hautement explosif. L’augmentation de 2 ou 3 ans pour les officiers supérieurs sera toujours d’actualité surtout en 2024 et 2025.

Si l’Etat n’a plus besoin de promouvoir le grade de général,(franchement il y en avait de trop) il doit alors conserver encore pour les 2 ou 3 ans à venir ceux qui sont sous le drapeau, au lieu de les lâcher tous en 2025…Il faut restreindre l’accès au grade de général (( 5 ou 6 généraux en permanence), réhabiliter le grade de colonel, un grade qui constitue l’ossature d’une Armée./.

ELY OULD KROMBELE, FRANCE

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