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Visite du Président de la République dans la commune de Aéré Mbar : Entre Désespoir et Espoir… Nous résistons au Temps

La commune d’Aéré Mbar, commune la plus importante du département de Bababe, tant par sa démographie, ses ressources et sa superficie, va recevoir le président de la République ce jeudi 07 mars 2024.

Cette visite s’inscrit dans le cadre de la pose de la première pierre d’un important projet d’adduction d’eau potable et d’irrigation de terres des régions de l’est et du centre du pays à partir du fleuve. Face à l’absence d’informations précises sur la portée locale de ce projet et son impact sur les populations de la commune, les spéculations se multiplient.

Nombreux sont ces personnes qui se posent la question sur la finalité de ce projet. Certains semblent être convaincus que ce projet vient matérialiser la volonté de l’État de poursuivre l’accaparement des terres de la vallée au profit d’investisseurs nationaux et étrangers au détriment des populations ayants droits. Certains les plus optimismes pensent que ce projet vient corriger les disparités en termes de répartition des ressources en eau.

En ma qualité d’élu local, conseiller municipal et de mon expérience en développement local, je me joins aux populations de la commune pour tirer la sonnette d’alarme sur la situation qui prévaut dans cette partie du pays et interpelle le Président de la République.

La commune de Aéré Mbar, ce sont 40 villages et hameaux, qui s’étendent sur plus de 22 Km, dont environ 10 villages sont dans la partie Walo sur le long du fleuve. Les ¾ sont situés dans la partie du Dieri et parmi eux des villages ancestraux comme Belel Ourguel, Diandia, Kadiel Abou et Awoiratt qui sont aux extrêmes Nord et Est de la commune sans aucune ressource et système durable d’approvisionnement en eau.

Quasiment tous les villages de la commune, à une exception près sont dans des besoins urgents en eau potable et le système de forage qui prévaut est souvent établi sans études fiables, un village comme Seno Boussoble connait pas moins de trois forages non fonctionnels, idem pour le forage de Wuro Amadou Hawa, alors que celui de Bolol Doggo point de jonction de cet ambitieux projet dont l’eau est impropre à la consommation. La situation est encore plus difficile pour les villages comme Lejwad, Hay Mansour, Seno Kouna, Medine et Nouara qui longent la route nationale Boghe-Kaedi.

Aéré Mbar, Aéré Gollere, Wothie, SabouAllah, Seno Boussobe, poids démographique majeur de la commune sont sous la pression du besoin énorme en eau potable des populations et des riverains que sont Belilami, Boundou, Wendou Mbaba, Tejallah, Menzeh, Mereyche, Sare Souki, Samana, Wendou Edy, Dounguel et Alwar. Les nouveaux forages érigés par les services du ministère de l’hydraulique il y’a plus de trois ans n’ont jamais été achevés. Seul celui de Aéré Mbar connait une issue en ce début d’année 2024 grâce à une convention signée par la Mairie avec la coopération nippone.

Le volet irrigation et valorisation des terres du Walo et du Dieri est une catastrophe notoire. On annonce depuis le premier semestre de l’année 2023, un financement du PRAPS pour l’aménagement de 254 Ha. Un important projet communément appelé projet Aziz n’a été exploité que durant une année et depuis c’est le chaos au tour. Le réaménagement de ces terres est à la fois un impératif pour la production locale et national dans ce contexte de crise, mais aussi pour freiner cette hémorragie qui frappent les populations de la commune, qui est l’exode vers les villes et l’immigration clandestine vers l’Europe et les Etats Unis.

Sur les plans de la santé, de l’éducation, du désenclavement, de l’adaptation ou de la résilience face aux effets du changement climatique, les réalités sont aussi tristes.

Seuls 7 postes de santé sont fonctionnels. Les villages les plus reculés n’ont quasiment aucun poste ou unité de santé de base fonctionnelle, les femmes continuent de souffrir et vivent l’inimaginable jusqu’à ce matin.

Sur le plan de l’éducation, le seul lycée fonctionnel est celui de Wothie, celui de Aéré Mbar chef-lieu de la commune qui a démarré cette année est inachevé, sans latrines et mur de clôture. Le collège flambant neuf de Aéré Gollere manque d’enseignants. Le spectacle des jeunes filles et garçons ralliant matin et après-midi les collèges et lycées de Aéré Mbar et Wothie est insupportable, tellement de facteur qui ne contribue à la réussite et à la qualité de l’école républicaine qu’on chante à longueur de journée.

Les enquêtes menées récemment par une association locale démontrent des écoles surpeuplées, délabrées et en sous-effectif d’enseignement et de personnel d’encadrement démotivé et inexistant. Ici l’occasion pour saluer les organisations communautaires de base qui ne baissent pas les bras et ne ménagent aucun effort pour améliorer l’éducation et la santé dans leur village.

Depuis trois années successives, les pluies et les vents font des ravages dans la commune, on dénombre une centaine de familles sinistrées dans les villages de Médine, Seno Kouna, Wuro Amadou Hawa, et aucune solution durable n’a été envisagée en dehors du constat d’usage des autorités administratives et sécuritaires et de l’assistance dérisoire. A cela, s’ajoute le chantier de reconstruction du tronçon Boghe – Kaédi qui s’éternise et qui met en péril l’existence de tous ces villages qui bordent la route compte tenu de leur position de bas fond et sur la trajectoire des eaux de pluies vers le fleuve.

Dans ce contexte non exhaustif, qu’on peut retrouver sur le plan de développement communal de l’exercice précèdent, le démarrage d’un projet aussi important d’envergure national devait prendre les besoins locaux comme priorité des priorités avec des solutions urgentes. Cela va du renforcement de la confiance et de la réussite du projet, car un projet aussi ambitieux qu’il soit s’il ne trouve pas l’adhésion des populations sera voué à l’échec.

Nous sommes conscients que l’Etat ne peut pas tout faire tout de suite, cependant nous souhaitons une attention particulière, disons la bienvenue au Président et lui demandons d’instruire l’Etat et ses services pour régler nos problèmes.

Moussa Amadou Sall

Maire Adjoint de la Commune de Aéré Mbar, en charge de la Coopération et du Développement.

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