Traqué pour présomption de corruption, Ould Abdel Aziz garde-t-il encore une certaine capacité de nuisance?
Le dossier de corruption impliquant l’ancien président Mohamed ould Abdel Aziz pourrait être transmis au parquet cette semaine, ouvrant la perspective d’un procès médiatisé. Ayant dirigé le pays pendant dix ans, les capacités de nuisance de l’ancien homme fort font débat.
Mohamed ould Abdel Aziz, ancien chef de l’Etat mauritanien de 2008 à 2019, fait l’objet d’une enquête préliminaire menée par la police chargée de la répression des infractions à caractère économique et financier, depuis plus de six mois, sur la base d’un rapport établi par une Commission Parlementaire (CEP).
Les nombreux procès verbaux établis dans le cadre de cette opération, impliquant un total de 311 personnalités de l’entourage présidentiel et des membres de différents gouvernements sous son magistère, sont bouclés et l’affaire pourrait être déférée devant le parquet anti-corruption, puis probablement transmise à un collectif de 3 juges d’instruction dans les semaines ou jours à venir, selon les prévisions de nombreux analystes.
L’ancien président de la République n’a pas pipé mot devant les agents de la police, s’abritant derrière l’article 93 de la constitution mauritanienne, qui lui confère «une immunité totale».
Cependant, la perspective d’un éventuel procès médiatisé, épilogue d’une longue instruction, avec un déballage inévitable, suscite des interrogations au sujet de la capacité «de nuisance» de l’ancien homme fort de Nouakchott, devant lequel tremblaient tous les hauts responsables de la République entre 2008 et 2019.
Après 10 années passées aux commandes de l’Etat, Ould Abdel Aziz est tout à fait susceptible de détenir des dossiers «gênants», estime un cadre de l’administration publique.
Ainsi, dans l’éditorial du Calame de ce mercredi, Ahmed ould Cheikh écrit qu’il s’agit là d’une pratique «devenue une mauvaise habitude. A chaque fois qu’Ould Abdel Aziz est convoqué par la police chargée de la répression des crimes économiques et financiers, que l’enquête dont il est l’objet fait un pas en avant, un enregistrement audio, une vidéo ou des documents, que leurs auteurs pensent compromettants, sont jetés en pâture à l’opinion».
«Ces éléments visent systématiquement des individus proches du nouveau pouvoir, des hommes du sérail, dans l’objectif «de porter un coup à leur crédit et à leur réputation», ajoute-t-il.
Les derniers éléments sonores diffusés rapportent une conversation entre le richissime banquier Mohamed Bouamatou et un proche, ancien sénateur, discutant de divers sujets sans aucun caractère pouvant être considéré comme compromettant.
Un exercice que le journal considère comme une piqûre de rappel, «bien naïfs ceux qui croient qu’en 11 ans de pouvoir, celui qui fît main basse sur le pays et acquit aux frais du contribuable les dernières technologies de suivi, traçage, enregistrement, de communications et espionnage en tous genres, se laisserait faire sans combattre».
Par ailleurs, un élément de la police politique accusé «d’accointances» avec Mohamed ould Abdel Aziz, a été récemment révoqué pour une histoire en rapport avec des écoutes téléphoniques, souffle une source bien informée.
Moussa ould Mohamed Amar, analyste politique, ancien directeur général de l’Agence mauritanienne d’information (AMI), un organe du gouvernement, estime que l’impact de ces enregistrements sonores, attribués à des milieux favorables à l’ancien président, «se limitent aux réseaux sociaux. Ce qui réduit considérablement la capacité de nuisance de ce dernier».
Amadou Seck