A la mémoire de notre doyenne de la résistance mère Huley Sammba SAL
AVOMM – La doyenne et Présidente du Collectif des Veuves en Mauritanie Huley Sammba SAL, vient de tirer sa révérence, ce mercredi 21 aout 2024.
Bien qu’elle était malade et affaiblie depuis plus d’une année, cela n’a rien impacté sur sa présence, sa motivation, sa participation, son dynamisme et son engagement dans les réunions mensuelles du Collectif des Veuves qu’elle a dirigé depuis sa constitution en 1991 et des fréquents regroupements préparatoires des manifestations pour défendre le dossier du génocide dit par euphémisme « passif humanitaire ».
Mère Huley Sammba SAL, comme on l’appelait, a incarné courageusement avec constance et fidélité le symbole du combat des ayants droit des martyrs du génocide dans la recherche d’une solution idoine qui respecte la dignité des victimes.
Dès la promulgation de la loi scélérate de l’amnistie en 1993, la clôture des plaintes déposées en Mauritanie et l’épuisement des recours internes par la voie judiciaire, elle a fait le voyage et participé activement, avec la mission partant du pays, à la conférence mondiale de Vienne pour porter la voix des veuves et des orphelins sur les droits de l’homme. Cette conférence qui était la première du genre après la guerre froide et le sommet de la Baule, qui a examiné les crimes, les violations graves et massives des droits de l’homme perpétrés dans les pays du tiers monde, notamment en Afrique, à l’instar de la Mauritanie.
La Présidente Huley Sammba Sal a aussi porté sa voix de colombe aux sessions de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples à Banjul, Dakar, Alger pour plaider la reconnaissance du pogrom passé en Mauritanie entre 1986 et 1992. Cette battante n’a pas manqué le procès de Nice contre le capitaine Ely ould Dah accusé responsable de crimes extrajudiciaires durant la période du « passif humanitaire », arrêté lors de sa formation à Montpellier.
Depuis 2005, la Présidente s’est investie avec son collectif, dans la recherche d’une solution acceptable de cette épineuse question du génocide dite le « passif humanitaire ». Avec le collectif des veuves, notre maman amazone a contribué, en novembre 2007, aux journées nationales de concertation et de mobilisation pour le retour organisé des déportés et le règlement du passif humanitaire. La conclusion tirée du rapport de ces assises qui a noté que la majorité des participants ont demandé la mise en place d’une commission indépendante type vérité/réconciliation, instituée en Afrique du Sud, ou de l’Instance Équité Réconciliation, adoptée au Maroc, donnait un espoir aux ayants droit des martyrs (veuves et orphelins).
Cette dynamique a été vite dévoyée par le coup de force qui a hissé par un coup d’état, le 06 aout 2008, le commandant du Bataillon de la Sécurité Présidentielle, Mohamed OUld Abel Aziz, à la Présidence du Haut Conseil d’Etat. Mohamed Ould Abdel Aziz a tenté le règlement de ce génocide en collaboration avec certaines victimes, à partir de 2009, qui s’est avéré une mascarade en jouant sur la vulnérabilité et la bonne foi notamment des ayants droit des martyrs. Ce qui justifie, les négociations secrètes du pouvoir de Ghazouani avec les coalitions des organisations de victimes depuis 2022, qui s’inscrivent dans la même logique stratégique que son prédécesseur, n’a pas pu gagner la confiance de cette pionnière Huley Sammba SAL, qui est éteinte ce mercredi. Sa conviction était ferme pour un règlement juste.
Si les tentatives du pouvoir de Ghazouani de régler cette question du génocide sont réelles et justes, il doit honorer la mémoire de cette maman qui a perdu son fils lieutenant, sauvagement assassiné en 1990 à fleur de son âge. De surcroît, je peux affirmer que les pressions permanentes, l’exclusion des cadres institutionnels formels ont classé la présidence Huley Sammba SAL et ses semblables dans la paupérisation qui ne pouvait que grever sa santé. Elle est morte comme son fils, le lieutenant Abdulaay SAL, martyr, la gorge étranglée en défendant sans relâche, dans le désespoir le droit à la vérité. Comment et pourquoi son fils est tué ?, quand identifier la sépulture de son fils pour faire le deuil ?.
Les mauritaniens qui aspirent à une cohabitation pacifique doivent rompre le silence pour exiger que la force de la loi chasse la loi de la force.
Beaucoup de normes sont adoptées par la Mauritanie capables de régler ces questions de crimes du passé avec civilité, responsabilité et grandeur. Il est temps d’arrêter les politiques de culture de la haine, catalyseurs et sources des divisions pouvant ouvrir à des affrontements violents. Un Etat qui continue à promouvoir des présumés tortionnaires et criminels à diriger des institutions de premier degré sur la vie de l’Etat comme l’Assemblée Nationale et paradoxalement refuser de respecter des normes qu’il a lui-même adoptées, devant servir de référence pour le règlement des crimes et de violations des droits des victimes est un déni préjudiciable sur l’unité nationale et la paix civile.
Si les autorités faillissent à leurs devoirs, les citoyens doivent s’unir et prendre leurs responsabilités. Les injustices et les inégalités ne peuvent perdurer sans conséquences négatives et aux risques de confrontations violentes.
La Présidente Huley Sammba Sal mérite un hommage national, des honneurs à la hauteur de son engagement, sa constance, sa fidélité, son attachement pour une Mauritanie réconciliée où le vivre ensemble est une réalité.
Dors en paix mère Huley Sammba SAL, qui m’appelait affectueusement Mammadu am.
La franchise, la clarté et la profondeur de tes discours continueront à heurter les esprits des citoyens justes et à hanter la conscience des criminels.
Paris, le 24/08/2024
Mamadou Elhouseine KANE
Conseiller AVOMM