Panel des leaders traditionnels au forum de lutte contre les VFF : L’approche de proximité plaidée à Dakar
Les tabous et les pratiques traditionnelles néfastes à la sante de la femmeont la vie dure.Et la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles ne pourrait porter ses fruits tantque lescroyances sous-tendant ces pratiques neseront pas déconstruites. L’approche de proximité et la communication par les langues nationalespeuvent être undes moyens les plus efficaces pour protégerla femmeafricaine contre toutes les formes de violence eten particulier l’excision.C’est sans doute pourquoi au 2eme jour du forum de Dakar, « le changement des normes sociales » a fait l’objet d’un panel animé par deux leaders traditionnels du Sénégal : la reine d’Oussouye Son Altesse AhanKalidji Beatrice et le Djaraaf de Bargny Mr Moussa N’Dione. Deux voix autorisées dont la présence illustre le rôle déterminant des leaders traditionnels dans la lutte contre le conservatisme à la base des violences faites aux femmes et aux filles.
Abordant le sujet la reine Ahan Kalidji Béatrice, ambassadrice de l’ONU femmes a partagél’expériences du royaume d’Oussouye sur la lutte contre les pratiques néfastes à la femme notammentles mariagesprécoces, les mutilations génitales féminines, la déperdition scolaire, letravail desfilles mineures…
Elle a, dit-elle, était victime, elle-même du poids de la tradition expliquant qu’elle a été intronisée à l’âge de 14 ans reine- mère du royaume d’Oussouye en août 2000 alors qu’elle venait tout juste de réussir l’examen d’entrée en 6e. Etmalgré sa lourde charge de reine aux côtés de son époux, le roi Sibilumbaï Diédhiou, elle a pris son bâton de pèlerinpour déconstruire tous les mythes traditionnels privant la femme de ses droits fondamentaux. Aidée en cela parl’ONU femmes, elle parcourt le monde pour porter le message le plus loin possible.
S’agissant de violences physiques faites par les hommes aux femmes, elle est catégorique : « il est formellement interdit à un homme de lever la main sur son épouse dans le royaume d’Oussouye. « Frapper sa femme, c’est comme frapper sa mère », dit-elleet la violence verbale faites aux femmes et aux filles est aussi bannie.
Une posture de médiatrice entre les passions
La Reine a aussi expliqué que sa posture de médiatrice et de conciliatrice des passionsentre les hommes et les femmes de son royaume luiont permis de mesurer toute l’ampleur et la profondeur de la souffrance des femmes et sonimpact néfaste sur son quotidien.
C’est pourquoi, pendantla célébration de la fête annuelle du royaume, une journée est toujours consacrée à la dénonciation des violences faites aux femmes et aux filles.« Il faut donc briser le silence et bannir tous ces tabous ».Lance-t-elle, ajoutant qu’elle-même a contracté son premier mariage à l’âge de 14 ans.« Jevenais de réussir mon examen d’entrée en 6e et mes nouvelles charges après mon intronisation m’ont obligée d’arrêter mes études. ».Dans la coutume du royaume d’Oussouye,chaque village envoie une jeune fille et un jeune garçon à la cour royale, mais Son Altesse la Reine mèreexigent à chaque fois que tous les enfantsaccueillis à la cour royalepuissentcontinuer leur scolarité dans de bonnes conditions.
« Il faut barrer la route à la violence faites aux femmes et aussi aux filles par la sensibilisation et l’éradication des fausse croyances derrière l’excision et toutes les autres formes de violences pour que la femme africaine puisse s’épanouir pleinement et recouvré tous ses droits spoliés », a-t-elle martelé. « Nous encourageons la scolarisation des jeunes filles afin qu’elles puissent trouver un emploi décent et subvenir à leurs besoins. Nous voulons que cessent les mariages précoces et les violences faites aux femmes, car la femme est sacrée. Les hommes doivent prendre soin d’elle et non les violenter. « Aujourd’hui, grâce à ONU Femmes, je voyage à travers le continent pour défendre cette cause. Je suis allée au Nigeria, en Éthiopie, en Zambie, et j’ai aussi participé à une semaine d’activités à Dakar ».
Il faut être proactif dans la lutte
Le Djaraaf de Bargny, une commune située à une trentaine de kilomètres de Dakar, dans le département de Rufisque, aexpliqué que les chefs coutumiers ont « non seulement des privilèges, mais surtout des responsabilités envers notre communauté ».
« Les leaders traditionnels ne peuvent pas rester les mains croiser face à la survivance de ces violences faites aux femmes et aux filles. »
Dans la société sénégalaise, dit-il, les leaders traditionnels sont les gardiens des valeurs culturelles positives qui prônent le respect, la dignité et la protection de tous les membres de la communauté.« Notre position nous permet d’influencer sur les comportements et de promouvoir des changements positifs ».
Selon Moussa N’dione, il ne suffit pas de dénoncer les violences faites aux femmes et aux filles, les leaders traditionnels se doivent d’être dans le même temps « proactifs dans leur prévention et leur élimination ».
Cela implique de « prendre des positions courageuses, parfois à contre-courant des pratiques établies, mais toujours guidées par la recherche du bien-être de notre communauté.
Moussa N’dione a expliqué que : « les leaders traditionnels ont la responsabilité d’être à l’avant-garde des évolutions positives. « En tant que leaders traditionnels, nous sommes les héritiers d’un patrimoine culturel millénaire qui place le respect et la dignité humaine au cœur de nos valeurs. Notre responsabilité aujourd’hui est de nous adapter aux exigences de notre temps tout en préservant ce qui fait notre identité ». »
La lutte contre ces pratiques n’estpas une rupture avec los traditions
« La lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles n’est pas une rupture avec nos traditions », mais plutôt une continuation naturelle de notre rôle de protecteurs et de gardiens de l’harmonie sociale.
Le Djaraf deBargny d’ajouter que « Nos mères, nos sœurs et nos filles ont toujours été les piliers de nos communautés, assurant la transmission de nos valeurs et contribuant activement à notre développement économique et social. Il est donc de notre devoir de créer un environnement où elles peuvent s’épanouir pleinement, libres de toute forme de violence ou de discrimination »et MrN’dione de proposer quelques pistes à creuser dans la voie de la lutte comme la mise en œuvre d’actions concrètes à travers la médiation traditionnelle rénovée, l’éducation communautaire inclusive, la lutte contre les pratiques néfastes…
Sidi Moustapha BELLALI