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Sénégal et Bp : les stigmates «coûts et surcoûts»

Après le Mozambique dont les réserves de gaz recouvrables en offshore sont estimées à 5000 milliards de m3, celles du méga-gisement gazier à cheval entre les frontières maritimes du Sénégal et de la Mauritanie, Grand Tortue Ahmeyin, sont estimées à 1400 milliards de m3 de gaz.

C’est une manne de plus de 100 milliards au cours actuel du Gnl qui attend les deux pays voisins sur les 20 ans, et seulement dans les phases 1 et 2. L’opérateur public britannique Bp détient 60%, le reste revenant à l’Américain Kosmos Energy et aux compagnies nationales sénégalaise Petrosen et mauritanienne Smh.

C’est un champ offshore d’une complexité inouïe sur le continent et qui engage Bp, son partenaire américain Woodside et les deux pays, le Sénégal et la Mauritanie, sur presque 30 à 50 ans de partenariat pour le développement du champ gigantesque.

Les réserves de gaz recouvrables dans le large bassin de Msgbc seraient estimées, selon les experts les plus conservateurs, à plus de 20 000 m3. Comme tout projet d’une telle technicité et d’un gigantisme jamais réalisé sur le continent en offshore, un champ sur un périmètre de plus de 13 000 m2, avec des forages à des profondeurs de plus de 2500 mètres, c’est un pari financier et technique que seul un super-major comme Bp peut engager… pour moins de 4 milliards de dollars Us, environ 3000 milliards de F Cfa, dans la facture proforma.

Malheureusement, comme d’ailleurs la plupart des méga-projets, c’est notamment le cas au Mozambique, le premier gaz suscite toujours des interrogations légitimes sur les retards et de plus en plus sur les coûts et surcoûts après les audits financiers et comptables initiés séparément par les Etats partenaires, après moult reports et, bien sûr, la montée exponentielle des factures.

Ces coûts et surcoûts sont imputables aux investissements de développement, aux dépenses d’exploitation principalement. Il faut souligner qu’entre-temps, l’expertise locale de l’ingénierie du projet dans les hydrocarbures s’est étoffée avec l’apport de professionnels et hauts cadres du secteur issus de la diaspora.

L’enjeu pour les Etats partenaires, le Sénégal et la Mauritanie, c’est le «Cost gaz» ou l’amortissement des investissements initiaux -de l’exploration à l’exploitation- essentiels à la mise en exploitation, et surtout les recettes et dividendes pour les Etats. Pour l’opérateur chef de file, plus les coûts sont élevés, plus il supporte des coûts financiers qui vont grever le plan d’amortissement des coûts pétroliers dans le cadre du contrat de partage de production.

Ce sera donc moins pour les Etats sur les 3 voire les 5 premières années, et plus de revenus pour Bp au titre des charges d’exploitation dans les phases amont. Le gap dans les coûts récupérables entre Bp et les deux rapports d’audit du Sénégal et de la Mauritanie se chiffre presque à environ 2 milliards de dollars Us, soit plus de 1400 milliards de F Cfa, soit presque 3 ans de production de tout le champ pétrolier.

Face à la fiabilité des audits comptables sénégalais et mauritaniens, c’est la bonne foi de Bp qui est sur la balance, avec à la clé les futures phases de développement de Gta. Les bons comptes faisant les bons amis… Face à l’appétit des actionnaires de Bp qui vient de rétropédaler par rapport à ses engagements sur le climat, c’est le pacte de confiance du partenariat stratégique entre l’opérateur britannique et nos deux Etats qui est remis en question, en attendant toujours le chargement du premier méthanier.

A Dakar comme à Nouakchott, on ne transige plus sur les intérêts supérieurs de nos Etats, et Bp gagnerait à changer ses méthodes et son logiciel.

Moustapha DIAKHATE
Expert Infrastructure et Politique Energie

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