Mauritanie: sur les traces des premiers méharistes français
De Nouakchott à Atar, le souvenir des militaires et des scientifiques de l’époque coloniale française n’a pas complètement disparu. Certains n’ont pas oublié que la Mauritanie fut colonie française de 1920 à 1960. L’homme d’affaires et mécène Mohamed Mahmoud Ould Lekhal est de ceux-là.
L’automne dernier, après une mise aux enchères infructueuse à Fontainebleau, il a acquis auprès de la maison Osenat une aquarelle attribuée à Géricault. Celle-ci représente un des survivants de la Méduse – la frégate qui devait reprendre possession de Saint-Louis du Sénégal en 1816 mais qui s’est échouée au large des côtes mauritaniennes.
L’homme, figuré par l’artiste sur la base de témoignages, discute avec un cacique – l’émir de la région du Trarza – qui lui demande des nouvelles de l’Empereur. Le survivant trace alors dans le sable une carte pour expliquer approximativement où se trouvent les îles d’Elbe et de Sainte-Hélène.
La scène se veut ainsi inaugurale de la présence française sous ces latitudes. Il est heureux qu’elle rejoigne Nouakchott, capitale pauvre en traces de son passé (elles tiennent en deux salles dans le musée national). Durant le Festival des villes anciennes, la feuille a même été présentée à Atar, capitale de l’Adrar et ville de garnison majeure pour les troupes à l’époque coloniale.
À Atar, le dernier cimetière militaire français
Atar possède le dernier cimetière militaire français. Le site a été restauré en 2003 et 2004 grâce aux crédits mis en place par la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la Défense.
D’une superficie de 60 ares, il abritait alors, en plus de 44 tombes de soldats français (plus quelques civils), celles de 176 tirailleurs ou spahis africains de confession musulmane ou chrétienne, six de leurs épouses et 22 de leurs enfants.
Récemment quelques autres dépouilles sont venues grossir cet effectif. Elles proviennent d’autres cimetières aujourd’hui désaffectés tel celui d’Amatil ou celui de F’Derick. Un ultime transfert, celui du carré militaire de Oualata, a eu lieu en mars dernier.
À cette occasion trois corps ont pu être identifiés, huit restants anonymes. « Parfois on n’a plus que les boutons des uniformes », regrette l’attaché de défense près de l’ambassade de France. Qui poursuit la recherche.
Tout comme Bernard Saison. Cet archéologue et médiéviste vient d’être décoré par le président mauritanien et a reçu la confirmation que les fouilles françaises auxquelles il participe depuis plus de vingt ans vont reprendre.
En particulier, à huit kilomètres de là, sur le site d’Azougui qu’il a découvert et qui s’est avéré être le berceau des Almoravides, une dynastie qui aux XIe et XIIe siècles a dominé l’Afrique du Nord et l’Espagne.
La maison de Pierre Messmer
En Mauritanie, Saison a également fouillé à Koumbi Saleh, ancienne capitale de l’empire du Ghana, et Taoudagoust, autre centre majeur du commerce transsaharien. Lui, tout comme les membres de l’ambassade de France en Mauritanie, comme Ould Lekhal et ces autres intellectuels mauritaniens qui, tel Thierry Vergnol, animateur d’une fondation à Nouakchott, tiennent à bout de bras de petits musées de Touezekt à Ouadane, sont convaincus que la connaissance du passé est un levier pour le développement économique et social du pays, une nécessité pour qui veut construire un avenir prospère et solide.
À la parole, ces hommes de culture joignent donc des actes. C’est ainsi que, sans parler de Xavier Coppolani, le Corse fondateur de Nouakchott, de Gouraud le conquérant dont le fort a été débaptisé après l’indépendance ou du commandant Frèrejean qui arpenta le désert plus encore que Théodore Monod ou qu’Odette du Puigaudeau, le souvenir des méharistes « vieux Français » ne disparaît pas totalement dans les sables.
L’explorateur Albert Bonnel de Mézières repose à Atar. On connaît ici encore l’histoire tragique de Georges, frère cadet de Charles Mangin, celle de Patrick de Mac Mahon petit-fils du maréchal président tué en 1932 au cours de la bataille d’Oum Tounsi, ou encore l’épopée des ingénieurs bâtisseurs de la route impériale n° 1 reliant le sud au nord.
Même la maison de Pierre Messmer qui fut gouverneur de Mauritanie de 1952 à 1954 vient d’être restaurée. Et si les jeunes fonctionnaires ou employés de l’aérodrome d’Atar ignorent jusqu’au nom de De Gaulle qui a pourtant, sur place en 1959, prononcé un discours fameux à propos des liens unissant la France et l’Afrique, ils jouent à la pétanque le soir venu non loin du tarmac.
Par Eric Biétry-Rivierre