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Présidence de la BAD : Ghazouani peut-il imposer Sidi Ould Tah ?

ÉMERGENCE – La candidature de Sidi Ould Tah à la présidence de la BAD teste le leadership diplomatique de Ghazouani.

L’élection du prochain président de la Banque Africaine de Développement (BAD), prévue en mai 2025, constitue un enjeu stratégique majeur pour la Mauritanie. En portant la candidature de Sidi Ould Tah, Nouakchott ambitionne d’accéder à l’une des institutions financières les plus influentes du continent.

Le ministre mauritanien de l’Économie et des Finances, M. Sid’Ahmed Ould Bouh, a officiellement déposé, le 29 janvier 2025, la candidature de Dr Sidi Ould Tah pour la présidence de la BAD. Mais au-delà du candidat, cette élection représente aussi un test diplomatique pour le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, qui met son poids politique en jeu pour imposer la Mauritanie sur l’échiquier africain.

La question se pose désormais : Ghazouani a-t-il les moyens de faire élire Sidi Ould Tah face à une concurrence féroce et à des jeux d’influence complexes ?

Un pari stratégique pour Ghazouani et la Mauritanie

En soutenant la candidature de Sidi Ould Tah, Ghazouani engage non seulement la Mauritanie, mais aussi son propre leadership en Afrique. Toujours en exercice à la présidence tournante de l’Union Africaine, il dispose d’une tribune diplomatique privilégiée pour tisser des alliances et rallier des soutiens.

Ancien ministre de l’Économie et des Finances, Sidi Ould Tah possède un parcours financier solide, notamment en tant que Directeur Général de la Banque Arabe pour le Développement Économique en Afrique (BADEA) depuis 2015. Son profil technique et son expérience du financement du développement sont des atouts certains, mais l’élection ne se joue pas uniquement sur les compétences : c’est avant tout une bataille diplomatique où chaque voix compte.

La Mauritanie doit donc convaincre les pays africains, mais aussi les membres non africains de la BAD, qui détiennent une part significative des droits de vote. C’est sur cet équilibre des forces que se joue l’avenir de la candidature de Sidi Ould Tah.

Une concurrence rude : Ghazouani peut-il faire la différence ?

Si la Mauritanie affiche de grandes ambitions, elle se heurte à une compétition intense. Plusieurs poids lourds du secteur financier africain sont en lice :

• Amadou Hott (Sénégal) : Ancien ministre de l’Économie et ex-vice-président de la BAD, il bénéficie d’un réseau interne puissant et du soutien probable de la CEDEAO.

• Romuald Wadagni (Bénin) : Ministre des Finances reconnu pour ses réformes, il rassure les bailleurs de fonds et dispose d’appuis solides.

• Samuel Munzele Maimbo (Zambie) : Vice-président de la Banque mondiale, soutenu par la SADC, il incarne une candidature influente en Afrique australe.

• Mahamat Abbas Tolli (Tchad) : Ancien gouverneur de la BEAC, il représente une option crédible pour l’Afrique centrale.

• Bajabulile Swazi Tshabalala (Afrique du Sud) : Ancienne vice-présidente principale de la BAD, elle pourrait fédérer les pays anglophones.

Face à ces adversaires, le succès de Sidi Ould Tah dépendra de la capacité de Ghazouani à bâtir des alliances solides et à manœuvrer avec habileté sur la scène africaine et internationale.

Les leviers de Ghazouani : diplomatie et jeux d’influence

L’élection du président de la BAD repose sur un système de vote où chaque pays membre détient un poids spécifique. Pour imposer Sidi Ould Tah, Ghazouani devra :

1. Rallier les blocs régionaux africains

• L’Afrique de l’Ouest est disputée entre Amadou Hott (Sénégal) et Romuald Wadagni (Bénin). La Mauritanie devra convaincre les pays francophones sans s’aliéner d’autres soutiens.

• L’Afrique centrale et australe sont cruciales : la SADC soutient déjà un candidat, mais la CEMAC reste un terrain à conquérir.

2. Séduire les membres non africains

• Les États-Unis, la Chine, l’Union européenne et les pays du Golfe détiennent des votes déterminants. Ghazouani peut-il les convaincre que Sidi Ould Tah est le bon choix ?

3. Proposer une vision forte pour l’avenir de la BAD

• Certains candidats souhaitent poursuivre la politique d’Adesina, d’autres veulent un changement de cap. Sidi Ould Tah doit se positionner comme un candidat consensuel.

Une bataille diplomatique dont l’issue reste incertaine

Alors que la date limite de dépôt des candidatures est fixée au 31 janvier 2025, la liste officielle des candidats sera dévoilée le 21 février 2025, après vérification des dossiers. L’élection se tiendra du 26 au 30 mai 2025 à Abidjan, lors de l’Assemblée annuelle de la BAD.

Si Ghazouani réussit à mobiliser un soutien suffisant, la Mauritanie pourrait marquer une avancée diplomatique majeure en imposant son candidat à la tête de la BAD. Mais si les alliances échappent à Nouakchott, cette élection pourrait révéler les limites de l’influence mauritanienne sur la scène africaine.

Le verdict sera donc bien plus qu’un simple choix de président : il déterminera aussi la capacité de Ghazouani à s’affirmer comme un leader influent au sein du continent.

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