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Zeinabou Taleb Moussa, Yakhare Soumaré | Portraits croisés des pionnières de la lutte contre les MGFs en Mauritanie

UNICEF Mauritanie – En Mauritanie, les mutilations génitales féminines (MGFs) restent une pratique répandue, touchant, selon les dernières enquêtes nationales, 64 pour cent des filles et des femmes.

Derrière ces chiffres se cachent des vies brisées, des souffrances silencieuses et des traditions profondément ancrées. Face à ce fléau, des femmes ont osé parler, dénoncer et agir. Zeinebou Taleb Moussa et Yakharé Soumaré figurent parmi ces pionnières dont l’engagement a marqué un tournant dans la lutte contre les MGFs.

Briser le tabou, un acte de courage

Sage-femme de formation et aujourd’hui membre du prestigieux comité des droits de l’enfant des Nations Unies, Zeinebou Taleb Moussa a consacré sa carrière à la santé maternelle et infantile. Confrontée chaque jour aux conséquences dramatiques des MGF sur les femmes et les nouveau-nés, elle a pris conscience de l’urgence d’agir.

À une époque où évoquer les MGF en public était impensable, Zeinebou Taleb Moussa a osé prendre la parole. Militante de la première heure, elle a défié les normes sociales pour sensibiliser et mobiliser autour des dangers de cette pratique.

« J’ai compris que le silence cautionne la douleur. Il fallait parler, même si cela dérangeait. » souligne Zeinebou.

Déterminée à transformer l’indignation en action, elle a fondé l’Association Mauritanienne de la Santé de la Mère et de l’Enfant (AMSME), un pilier de la lutte contre les violences basées sur le genre. Sous son impulsion, l’organisation a mené des campagnes de sensibilisation à grande échelle, plaidé pour un cadre légal plus protecteur et accompagné des milliers de survivantes dans leur reconstruction physique et psychologique.

Mais son combat ne s’arrête pas là. Zeinebou Taleb Moussa a été l’une des premières voix à interpeller les décideurs politiques, les chefs religieux et les leaders communautaires sur l’impératif d’abandonner cette pratique. Elle a contribué à l’élaboration de politiques nationales, collaboré avec les institutions internationales et porté la voix des victimes sur les scènes les plus influentes.

Aujourd’hui, son engagement dépasse les frontières de la Mauritanie. Au sein du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, elle s’engage à oeuvrer pour que chaque pays prenne ses responsabilités et intensifie les efforts pour mettre fin aux MGF.

« Ce n’est pas une bataille contre les traditions, mais un combat pour la dignité, la santé et l’avenir de nos filles », insiste-t-elle.

Grâce à des initiatives comme les siennes, la prise de conscience progresse et la mobilisation s’amplifie. Le débat, longtemps resté discret, s’ouvre progressivement, permettant un dialogue plus large sur les moyens d’abandonner cette pratique. Un jour, Zeinebou en est convaincue, plus aucune petite fille ne subira cette violence au nom de la coutume.

Un combat au cœur de la tradition

Si Zeinebou Taleb Moussa a brisé le tabou, Yakharé Soumaré a mené la lutte dans un environnement où les MGF sont profondément enracinés. Issue d’une communauté où cette pratique est quasi systématique, elle a choisi d’affronter directement les résistances et de sensibiliser de l’intérieur.

« On m’a dit que je trahissais ma culture, mais je savais que je protégeais nos filles »

Grâce à son engagement, Yakharé a réussi à mobiliser des chefs religieux, des femmes leaders et des jeunes pour remettre en question les justifications culturelles des MGF. Son action a permis à plusieurs familles de renoncer à cette pratique, marquant ainsi un tournant dans sa communauté.

« Chaque enfant épargné et chaque famille convaincue, était une victoire pour moi»

Consciente que le changement durable passe aussi par l’action institutionnelle, Yakharé a fondé l’ONG Actions, qui lutte pour l’abandon des MGF et accompagne les jeunes filles dans leur éducation et leur autonomisation. Mais son engagement ne s’est pas arrêté là.

Forte de son expérience de terrain, elle a décidé d’amplifier son combat à un niveau plus large en entrant en politique. Aujourd’hui députée à l’Assemblée nationale, elle plaide sans relâche pour le renforcement des lois protégeant les filles et les femmes. À travers son mandat, elle milite activement pour une interdiction stricte des MGF et une meilleure prise en charge des survivantes.

Un combat qui se poursuit

Malgré les avancées, les mutilations génitales féminines (MGF) restent une réalité persistante en Mauritanie, un défi que les militantes engagées sur le terrain ne cessent de souligner. Si la sensibilisation et le dialogue communautaire ont permis de faire évoluer certaines mentalités, la nécessité d’un cadre légal plus strict et d’un engagement politique renforcé demeure essentielle.

Pour celles qui se battent contre cette pratique, l’éradication des MGF ne pourra être atteinte sans une loi spécifique aux MGF appliquée rigoureusement. Au-delà des campagnes de sensibilisation, elles plaident pour un renforcement des sanctions et la mise en place de mécanismes de protection plus efficaces pour les filles à risque. La prise en charge des survivantes est également un enjeu majeur, nécessitant des services adaptés en matière de santé et de soutien psychologique.

Certaines avancées ont prouvé que le changement est possible : des familles ont renoncé à cette pratique, des communautés ont pris position, et les débats se font plus ouverts. Mais sans un cadre institutionnel qui soutienne ces progrès et les ancre dans la durée, le risque de retour en arrière reste présent.

La lutte contre les MGF ne se limite pas à un engagement militant, elle exige une volonté politique forte, une législation efficace et une mobilisation de l’ensemble de la société. C’est à cette condition que l’on pourra, un jour, mettre définitivement fin à cette pratique et garantir aux filles mauritaniennes un avenir protégé.

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