Le ministère de la Justice employait un islamiste mauritanien en tant que consultant

LEJDD – Durant trois ans, un homme originaire de Mauritanie, « spécialisé dans les tests de performance, l’observabilité et la supervision », était un prestataire du ministère de la Justice. Pourtant, ses liens avec l’islamisme posent question.
De 2016 à 2019, il a œuvré aux côtés pour le ministère de la Justice. Ce Mauritanien, prénommé E.H., âgé de 53 ans, se dit « spécialisé dans les tests de performance, l’observabilité et la supervision » sur sa page LinkedIn.
Si son travail auprès du ministère semble avoir satisfait, son profil pose en revanche question, rapporte Le Point ce vendredi 18 avril.
Des liens avec Barakacity et un leader des Frères musulmans
E.H. est en effet visé par un arrêté de gel de ses avoirs du ministère de l’Intérieur depuis le 11 avril dernier. Beauvau a également accompagné son arrêté d’un décret prononçant la dissolution de l’association Sciences & Éducation, que dirige E.H. et qui avait été officiellement dissoute en février 2024 mais qui poursuivait son travail.
L’association avait pour mission d’aider financièrement des étudiants de Mauritanie. Le ministère a toutefois révélé que Sciences & Éducation encourage « une pratique radicale de l’islam, légitime le recours au djihad armé, la mort en martyr ainsi que l’instauration de la charia, justifie le recours à l’action violente et contribue à attiser les tensions ».
En mai 2019, la députée Les Républicains (LR) Valérie Boyer réclamait une enquête sur cette association. Sciences & Éducation avait organisé un dîner pour lever des fonds et les reverser à un centre de formation en Mauritanie, qui avait été fermé par le gouvernement mauritanien pour des liens suspectés avec des djihadistes. Le centre avait rouvert ses portes en août 2019.
Le dîner devait se tenir à l’Institut européen de sciences humaines (IESH) de Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis, lui-même visé par une fermeture administrative en novembre 2019. Des liens entre Sciences & Éducation et Barakacity auraient aussi été pointés. L’ONG islamiste avait pourtant été dissoute en 2020 par Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur.
Comme le rappelle Le Point, Valérie Boyer pointait également les liens de l’association avec le leader des Frères musulmans en Mauritanie, Mohammed al-Hassan Dedew. Ce dernier « prône un islam radical et provoque à la haine et à la violence, y compris en se livrant au djihad, contre les juifs, les non-musulmans et les musulmans non pratiquants », relate l’arrêté du 16 avril. E.H. et Mohammed al-Hassan Dedew ont été photographiés côte à côte. Le cliché, datant du 1er avril 2021, est en ligne sur la page Facebook de Sciences & Éducation UK. La photo pourrait avoir été prise en Mauritanie, selon le ministère de l’Intérieur.
Mohammed al-Hassan Dedew, considéré comme le maître à penser du parti islamiste mauritanien Tawassoul, avait d’ailleurs estimé que l’attentat contre Charlie Hebdo était « bien mérité ». Il avait même discuté sur Telegram et par téléphone avec l’assassin du père Hamel, tué dans l’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray le 26 juillet 2016.
Le consultant se défend
L’association dirigée par E.H. aurait également organisé des soirées caritatives pour financer des « centres de formation des oulémas » de Mohammed al-Hassan Dedew. Basés à Doha au Qatar, à Dakar au Sénégal et à Nouakchott en Mauritanie, ces centres proposent un « enseignement religieux radical et diffusent auprès des élèves une idéologie favorable au djihad et faisant l’apologie du terrorisme », dénonce l’Intérieur.
Contacté par Le Point, E.H. se défend et explique que Sciences & Éducation n’est qu’une « petite structure associative » qui serait « très peu influente ». Auprès de l’hebdomadaire, le ministère de la Justice ne peut pas garantir pleinement que E.H. n’ait pas eu accès à des informations sensibles lorsqu’il était prestataire. Le ministère rappelle cependant que les données confidentielles ne sont pas accessibles à tous les agents du ministère.
Marianne Lecach