Etudes de cas : Ould Abdel Aziz derrière les barreaux et après ?
L’un des juges du Pôle des magistrats en charge de l’instruction du dossier du prévenu Ould Abdel Aziz (au pouvoir de 2008 à 2019) a finalement -en toute indépendance certainement- apposé sa signature sur le mandat de dépôt de l’ancien président dont l’affaire de crimes et délits défraie la chronique depuis près d’une année.
Le nom de Ould Abdel Aziz, s’ajoutera donc aux noms de tous ces autres mauritaniens pris en charge par les régies des maisons d’arrêts et de corrections du pays. Un détenu de plus même si ce détenu est un hors du commun.
56 ans, ancien président, dont le profil est dressé par une enquête comme celui d’un tueur en série de l’économie et des finances, un multirécidiviste pour actes de corruption, blanchissement d’argent et fuites de capitaux et enfin auteur de soustraction aux procédures judiciaires, Ould Abdel Aziz est aujourd’hui le prisonnier en détention le plus célèbre du pays.
Il est passé à son tour par un couloir, qu’avaient emprunté avant lui les présidents Moctar Ould Daddah, Moustapha Ould Mohamed Saleck, Mohamed Khouna Ould Haidalla et Sidi Ould Cheikh Abdallah.
Si les quatre autres présidents avaient payés par leurs privations de libertés les conséquences de coups d’états ou de renversements de régimes, Ould Abdel Aziz paye pour des infractions pénales incompatibles avec ses activités d’ancien chef de l’état. Il est accusé d’enrichissement illicite, de blanchissement d’argent et de faits de corruption. Mais si son dépôt par mandat a été finalement décidé, c’était surtout pour sanctionner « sa « rébellion » face aux exigences de sa mise sous contrôle judiciaire conséquence de la procédure pénale engagée contre lui.
Un homme qui voulait se jeter dans la gueule du loup ?
Si Ould Abdel Aziz se retrouve maintenant sous les verrous, ce n’est ni la conséquence de la pression de la rue, ni la conséquence des mesures draconiennes que lui imposait la décision prise par le pôle de l’enquête du dossier de la décennie. C’est simplement et plutôt parce qu’il a voulu jouer à « l’insoumis » contre une décision de justice qui applique la loi. En d’autres termes il assume les conséquences de son comportement reprimable au vu de cette loi.
Mais pourquoi donc Ould Abdel Aziz, en est-il arrivé là ?
La question mérite d’être posée. L’ancien président, (actuel détenu), explique qu’il avait mis fin à l’engagement pris d’émarger sur le registre de la main courante pour protester contre le comportement de la police à l’égard de ceux qu’il qualifie de ses « sympathisants » et de ses soutiens. Et si c’était le cas, c’est donc en signe de solidarité, qu’il avait décidé de renoncer aux obligations de sa mise sous contrôle judiciaire par les juges du pôle de l’enquête.
Est-ce que la justice n’a pas compétence de sanctionner son geste de rébellion vis-à-vis des dispositions de la loi et des procédures pénales ? Et comment donc expliquer que Ould Abdel Aziz, entouré d’une pléthore d’avocats très compétents dont le Me Vergès mauritanien, Ould Ichidou se soit décidé à se soustraire aux obligations imposées par la procédure engagée contre lui ? Ould Abdel Aziz s’est-il laissé tomber « volontairement » dans un piège. Si oui pourquoi ?
Aziz, ses avocats, et ses « sympathisants » savent parfaitement bien que nul n’est au dessus de la loi. Même dans un pays qui sort d’une décennie de dictature où, la justice était instrumentalisée. Ould Abdel Aziz, jure par l’article 93 de la constitution.
Cet article, – selon sa compréhension des textes-, lui confère tous les droits de jouir des avantages et des retombées des actes de « vandalisme » sur l’économie et sur les finances dès l’instant que ces retombées ne proviennent pas des caisses du trésor ou des caveaux de la Banque Centrale du pays. Et même si, il le sait parfaitement bien et son Me Vergès aussi, cet article ne lui confère pas le doit de s’en prendre à la police même si comme il dit cette police se trouvait « au mauvais endroit » et « au mauvais moment ».
Il est donc bien placé pour savoir que cette police ne faisait que son travail, celui de « maintenir » l’ordre partout où cet ordre peut être perturbé quelques soient les circonstances, les conditions et les auteurs.
Que l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz, soit plus regardant maintenant sur le rôle et les activités de cette police de « proximité politique » qu’au moment où il était au pouvoir, c’est son droit le plus absolu en tant que citoyen. Mais en tant que citoyen, -ce qu’il est maintenant dans la réalité-, aucune autorité ne lui confère le droit d’empêcher les forces de l’ordre de faire leur travail. Même pas l’article 93 qui lui sert de gilet pare-balle contre les poursuites qui ne relèvent pas du crime de « haute trahison ».
Me Vergès (Ould Ichidou) et son pôle d’avocats qui servent de conseils à l’ancien président ne sont pas sensés ignorer la loi. Cette loi qui a peut être été probablement molestée par certains avocats lors de ses révisions dans son contenu, dans sa forme, dans son fond et dans les dispositions de certains alinéas de ses articles dit : « Lorsqu’une information est ouverte, les officiers de police judiciaire sont chargés de constater les infractions à la loi pénale. Ces officiers exécutent les délégations des juridictions d’instruction et déférent à leurs réquisitions. Ils exercent les pouvoirs qui leur sont attribués par les articles du code de procédure pénale (prévus dans la fourchette des articles de 47 à 55), ce qui leur donne le droit de requérir à la force publique pour l’exécution de leur mission ».
On peut donc conclure que peut être, l’ancien chef de l’état et ses avocats sont tellement hypnotisés par les dispositions de l’article 93 de la constitution qu’ils oublient que tout mauritanien quel qu’il soit est justiciable et qu’il doit répondre de ses actes pour les crimes ou délits qui peuvent lui être reprochés.
L’ancien président, Mohamed Ould Abdel Aziz, est-il justiciable ou non?
La question se pose même si, très laconique le 93 de la constitution, semble vouloir dire qu’en -« aucun cas »-, un ancien président ne peut être poursuivi durant son mandat pour des faits, mêmes avérés si ces faits ne sont pas assimilables à la haute trahison. Ce qui peut être interprété comme un véritable « laisser-passer » ou « passeport » constitutionnel délivré à tout chef d’état de ce pays pour commettre sans impunité tous crimes et délits qui lui semblent bons et dont il peut tirer profits sans inquiétude si ces crimes et délits ne révèlent donc pas de la haute trahison.
Soit. Si nous acceptons cette interprétation atrophiée de la loi, telle qu’elle est perçue par l’ancien président, est ce que cela signifie que, Ould Abdel Aziz cité dans de nombreuses affaires de crimes et délits économiques et financiers est protégé par la constitution au point de ne pas répondre devant la justice même comme témoin cité dans des affaires ?
Il faut reconnaitre que la justice a été très sévère à l’égard de l’ancien chef de l’état en lui imposant une assignation à résidence très stricte dans son domicile et en ajoutant à cette assignation une obligation d’émarger à la police 3 fois par semaine.
C’est un peu comme si, cette justice voulait le faire souffrir comme les colons avaient fait souffrir ce prisonnier mauritanien, qu’ils avaient condamné à édifier au sommet de la montagne de Moudjéria un monticule de pierres qu’il ramassait du bas de la colline et transportait sur sa tête jusqu’au sommet de la montagne. Un va-et-vient véritable supplice corporel qui n’avait pour sens que de faire souffrir le prisonnier moralement et physiquement.
Si Ould Abdel Aziz, ne portait pas de cailloux volumineux sur la tête pour escalader la poursuite judiciaire engagée contre lui, il portait sur lui tout au moins la lourde responsabilité de respecter strictement les mesures qui lui étaient assignées par la procédure pénale prévue par la loi, cette loi dont il a été de 2008 à 2019, le garant de l’application même si cette application durant cette période était le plus souvent personnalisée.
Ould Abdel Aziz savait parfaitement bien et son Me Vergès mauritanien aussi, que pour avoir enfreint la loi dans de pareilles circonstances et pour le motif qu’il évoque (qui n’a rien à voir avec le cas qui devait le préoccuper plutôt), il avait simplement provoqué la justice pour lui faire prendre peut être cette décision extrême de le déposer dans une maison d’arrêt correctionnelle en attendant d’être jugé pour ses actes dans les affaires dans lesquelles son nom est cité.
Mais comme a dit quelqu’un qui requiert l’anonymat, Ould Abdel Aziz agit peut être sous hypnose de Saad Ould Louleid qui lui conseille la violence verbale et un comportement rebel par des actes qui, malheureusement comme on le constate maintenant ne lui profitent pas et se retournent contre lui.
Une fin de « cavale » qui profite à qui ?
Quoiqu’il en soit et quelque soit l’issue de cette décision de justice qui ne plait pas à tous ceux qui cherchent à rentrer en possession des bien spoliés, il faut avouer que cette tournure des événements fait remous. Elle n’est applaudie ni par certains de ses anciens premiers ministres, ni par ses anciens ministres, ni par les anciens directeurs généraux des Etablissements publics ou parapublics qu’il a empêtrés dans des affaires qui les mettent maintenant en conflit avec la loi.
Mohamed Ould Abdel Aziz a été à un moment de l’histoire de notre pays un très grand chef d’état. Puissant. Sa puissance lui a permis même par la dictature, de réduire durant ses deux mandats tous ses collaborateurs en esclaves humains par traite administrative. Tous, ont travaillés pour lui aveuglément avec dévouement et sans calculs de risques.
Il n’est plus président à présent c’est vrai, et pour beaucoup il ne le sera plus jamais de sa vie, même s’il ne restait sur cette terre de millions de « politiciens amovibles», que lui. Mais sa détention est peut être l’erreur qu’il ne fallait pas commettre parce que peut être, elle n’aura aucun effet dissuasif dans la procédure de restitution de nos biens spoliés.
Mohamed Chighali