Afrique du Sud : l’ancien président Jacob Zuma dort en prison
Le Parisien – La police avait ordre de l’arrêter au plus tard mercredi à minuit, mais l’ex-président sud-africain Jacob Zuma, condamné à 15 mois de prison ferme pour outrage, lui a facilité la tâche. Mercredi à 23h30, un convoi d’une dizaine de voitures a quitté sa résidence à vive allure, direction la prison d’Escourt.
L’ex-président, condamné pour avoir obstinément évité de répondre aux questions d’une commission d’enquête sur la corruption, n’a été ni vu, ni entendu. La nouvelle est tombée par un tweet : « Le président Zuma a décidé de se conformer à l’ordre d’incarcération. Il est en route vers un établissement correctionnel » dans la province du Kwazulu-Natal, a déclaré la fondation qui le représente.
Le ministère de la Police a confirmé peu après qu’il avait été « placé en détention ». Ce n’est pas « un aveu de culpabilité », a toutefois souligné le porte-parole de Jacob Zuma, Mzwanele Manyi.
Des soutiens ont afflué pour l’ex-dirigeant de 79 ans
Une des filles de Jacob Zuma, Dudu Zuma-Sambudla, a ironisé sur les réseaux sociaux « célébrer l’emprisonnement du combattant de la liberté », qui a passé dix ans au pénitencier de Robben Island aux côtés de Nelson Mandela. Jusque tard dans la soirée, bien après le couvre-feu fixé à 21 heures, des dizaines de partisans ont chanté et dansé, certains portant des bandeaux traditionnels en peau de bête.
Vers 1h30 du matin, un convoi est entré dans l’enceinte de la prison d’Escourt sous forte présence policière. C’est là que « Monsieur Jacob Gedleyihlekisa Zuma a été admis pour commencer à purger sa peine », a déclaré l’administration pénitentiaire dans un communiqué.
Jacob Zuma, 79 ans, a été condamné la semaine dernière par la plus haute juridiction du pays. Ne s’étant pas rendu de lui-même avant dimanche, la police avait ordre de l’arrêter au plus tard mercredi à minuit.
Incarcérer ou non, la police hésitante
Familier des tribunaux, l’ex-dirigeant a obtenu que la Cour constitutionnelle réexamine sa sentence lundi. Il avait aussi réclamé la suspension de son arrestation d’ici là, mais la décision du tribunal doit être rendue vendredi.
Ces recours en justice ont fait planer l’incertitude sur son incarcération. La police elle-même avait laissé entendre ces derniers jours qu’elle pourrait renoncer à arrêter Jacob Zuma.
Dans un courrier adressé à la Cour constitutionnelle, elle avait annoncé qu’elle n’interviendrait pas avant l’aboutissement des recours judiciaires. Mais dans une volte-face mercredi matin, le ministre de la Police Bheki Cele a affirmé n’être « pas prêt à affronter des accusations d’outrage à la justice » pour ne pas avoir exécuté l’ordre.
Une victoire pour l’« État de droit »
Mettant en cause l’impartialité des juges, Jacob Zuma a mis en avant un état de santé « instable », arguant qu’une incarcération « reviendrait » à le « condamner à mort » dans le contexte de la pandémie. Samedi il avait aussi prévenu, après avoir régalé ses partisans de blagues, qu’il fallait s’attendre à des violences si la police « osait » l’arrêter. Le lendemain, il lançait, provocateur : « Pas besoin que j’aille en prison aujourd’hui ».
Jacob Zuma est accusé d’avoir pillé les ressources publiques pendant ses neuf années au pouvoir (2009-2018). Mis en cause par une quarantaine de témoignages depuis la création en 2018 d’une commission d’enquête sur la corruption d’État, il a multiplié les manœuvres pour éviter de témoigner.
Le porte-parole du Congrès national africain (ANC) au pouvoir, Pule Mabe, a salué une victoire pour l’« État de droit et l’indépendance de la justice » dans cette jeune démocratie. Englué dans les scandales, Jacob Zuma avait été poussé à la démission en 2018. Son successeur Cyril Ramaphosa a fait de la lutte contre la corruption un cheval de bataille.
Par Le Parisien avec AFP