Le président de l’Assemblée : Il est temps de dénoncer la logique stérile d’une hiérarchisation sociale rigide
La première session parlementaire ordinaire 2021 – 2022 a été clôturée lundi à Nouakchott. La cérémonie de clôture a été marquée par un discours prononcé par le président de l’Assemblée nationale, M. Cheikh Ould Baya dans lequel il a appelé les élites de notre pays à prendre leurs responsabilités et à devenir la locomotive qu’ils doivent être pour guider le pays vers l’Etat de la citoyenneté dans lequel les chances sont égales pour tous et où tous se sentent égaux en droits et en devoirs.
Voici le texte intégral de ce discours :
« Messieurs les ministres,
Chers collègues députés,
Mesdames et Messieurs,
Nous clôturons aujourd’hui notre première session ordinaire pour l’année parlementaire 2021-2022 qui a connu, en plus de la discussion et de l’adoption de la loi des finances initiale de l’année 2022 et de la loi des finances rectificative de l’année 2021, l’adoption par notre auguste assemblée d’un ensemble de textes que nous espérons constituer une pierre supplémentaire dans l’œuvre de développement du pays.
Mesdames et Messieurs,
Allah, le Tout Puissant dit : « Certes Allah ne modifie pas l’état d’un peuple tant que les individus qui le composent ne changent pas d’eux-mêmes ce qu’il y a en eux». Il est en fait difficile d’évoquer la réalisation de développement durable dans n’importe quel pays du monde dans un contexte de démission de ses élites politique, religieuse, scientifique et intellectuelle par rapport à leur mission de sensibilisation et de conscientisation et à leur rôle de locomotive de la société sur la voie de l’édification d’un Etat de citoyenneté où prévaut l’égalité des chances et où tous les citoyens se sentent égaux en droits et en devoirs.
C’est dire l’importance des vues exprimées par le Président de la République, M. Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani à Ouadane qui a appelé les citoyens à transcender toutes les formes d’injustice héritées de notre patrimoine culturel et à purifier notre discours et nos comportements des préjugés et autres stéréotypes et faux clichés.
Les expériences de toutes les nations ont prouvé que le citoyen, qui est prêt à se sacrifier pour son pays est le citoyen qui est convaincu que la différence dans la jouissance des fruits de la citoyenneté repose exclusivement sur les critères de la disponibilité, du don de soi du patriotisme sincère, et non sur la base d’un héritage de l’appartenance à une tribu, une classe sociale, une race ou une région. Est-il raisonnable, par exemple, alors que nous nous trouvons au XXIe siècle, et plus de soixante ans après la naissance de la République, qu’un fonctionnaire ou tout membre de l’élite joue ouvertement et sans honte le rôle de chef de tribu ? Quelle logique juridique peut légitimer la tentative de certains de circonscrire le droit de l’Imamat à certaines familles, alors que nous sommes dans un pays dont la Constitution énonce que les dispositions de la religion islamique sont la seule source du droit ?
Or, il est connu de tous que les conditions de l’Imamat sont spécifiques et claires dans la jurisprudence, et que la base de la différenciation est la piété, comme en témoigne la parole du Tout-Puissant : (Le plus honorable d’entre vous auprès d’Allah est le plus pieux d’entre vous).
Mesdames et Messieurs ;
Si notre histoire, dont la plupart des chapitres ont été écrits hors du cadre d’un État centralisé et unificateur, a produit une hiérarchie sociale rigide, parfois basée sur la loi de la force au lieu de la force de la loi, et parfois revêtue d’un habillage religieux qui ignore que le Tout-Puissant Créateur a honoré les fils d’Adam, il est temps que tous les leaders d’opinion : juristes, politiciens et intellectuels se réunissent pour dénoncer la mauvaise logique qui nourrit les mentalités dépassées qui se réfèrent à cette hiérarchie.
Il est devenu clair que la responsabilité morale de la propagation et de la consolidation de telles mentalités rétrogrades est principalement imputable aux élites religieuses, politiques et culturelles qui les utilisent comme un véhicule pour obtenir des privilèges et une échelle pour atteindre leurs fins personnelles et assouvir leurs intérêts égoïstes.
L’histoire témoigne que les élites religieuses Arabes, Poulars, Soninkés et Ouolofs dans toute l’Afrique de l’Ouest ont pratiqué l’esclavage plus que les autres et sur les musulmans plus que les autres, et qu’elles ont fermé les yeux sur ce phénomène voire l’ont légitimé pour ceux qui le pratiquèrent par la force des armes.
Aujourd’hui, il ne s’agit pas pour nous de juger l’histoire plus qu’à aspirer à ce que les élites religieuses actuelles des quatre composantes de notre société portent le flambeau de la purification de la vraie religion, de tout ce qui nuit à celle-ci et à la cohésion de la société.
Si l’honneur de combattre l’esclavage a été raté pour nos élites jusqu’à ce que les lois internationales le criminalisent, alors elles ne devraient pas perdre l’occasion de combattre les croyances et les comportements fondés sur le faux et le mensonge, et être plutôt le fer de lance de ce noble effort.
Mesdames et Messieurs,
Notre peuple, pacifique par nature, soucieux de la coexistence et de l’harmonie de ses composantes, et qui a toujours prouvé sa perspicacité et sa capacité d’adaptation à toutes les situations, a besoin – comme le reste des peuples du monde – de celui qui le guide vers un État de justice et de fraternité en présentant une fatwa éclairée basée sur une bonne compréhension de la Charia, et en diffusant une conscience citoyenne réconciliée avec son temps, en inscrivant les valeurs de citoyenneté dans les programmes d’enseignement, et en combattant tout ce qui perturbe son harmonie et la cohésion de ses composantes.
L’abandon des habitudes rétrogrades fondées sur des classifications sociales injustifiées représente – sans aucun doute – l’une des garanties les plus importantes de l’unité de la société et un moyen de fermer la voie à ceux qui utilisent le discours de la haine et les appels sectaires et qui ont trouvé un environnement propice au développement de leurs idées dans un contexte de libertés et de généralisation de l’usage des médias sociaux.
Mesdames et Messieurs ;
Vous appréciez que notre survie en tant que peuple est tributaire de notre unité, qui constitue la meilleure protection de notre pays, contre les risques et autres défis dictés par le contexte géographique de la sous- région marqué par l’instabilité, politique, les guerres civiles, les phénomènes du terrorisme et du crime transfrontalier.
Enfin, je vous souhaite de bonnes vacances et déclare – Ala barakatillah – la clôture de la première session ordinaire de l’année parlementaire 2021 – 2022 conformément aux dispositions de l’article 52 (nouveau) de la Constitution et des articles 54 et 55 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
Je vous remercie ».AMI