CNE : Bâ Ousmane nouveau président de la Commission Nationale de l’Éducation
Sur le chemin de l’école républicaine – ambition du président Ghazwani – le gouvernement est toujours à la recherche d’une bonne combinaison, deux ans après l’élection de l’État. La tâche n’est pas facile, le chantier peine à prendre. Au point, d’ailleurs, que sa cheffe Noubqhouha mint Ahmed Vall, ex-ministre de l’Éducation nationale, en soit venue à jeter l’éponge. Tout le monde était pourtant unanime à dire que cette dame pouvait bien apporter une thérapie de choc à ce département malade depuis des années. Les Mauritaniens – particulièrement le corps enseignant – se souviennent de son passage à la tête de ce ministère. Elle avait secoué le mammouth en tentant d’améliorer l’image et les conditions de vie des enseignants. Les mesures qu’elle avait prises en ce sens avaient fait gité toute la République parce qu’elle avait osé toucher les intouchables, les protégés des kakis, des ministres, des élus… Un vrai crime de lèse-majesté. Devant l’ampleur du tollé, elle fut débarquée au moment même où le département commençait à retrouver les couleurs. On connaît la suite. Une succession de ministres dont certains n’ont « pas mis long », comme dit l’humoriste camerounais Jean Miché Kankan.
En dépit de la volonté du Président de réformer l’éducation et d’instituer une école vraiment républicaine, on n’a pas vu grand-chose se mettre en place. Beaucoup plus de palabres que d’actes concrets. Séminaires et ateliers, grève des enseignants et assises de la réforme ont ainsi ponctué les deux dernières années. Est-ce cette espèce d’immobilisme ou de surplace, sinon pilotage à vue, qui a poussé Mint Ahmed Vall à quitter le navire ? Selon des informations relayées par la presse, elle se plaindrait de ne pas pouvoir s’acquitter de sa mission : manque, au dessus d’elle, de volonté politique à passer aux actes ? Toujours est-il qu’entre les intentions du président de la République et les pesanteurs de ce département miné que feu Habib Mahfoudh, fondateur du Calame, proposait de raser, suite au fameux « Scandale du bac », il y a un désert à franchir. À pied…
Le départ de la présidente de la CNE vient ternit l’image du projet présidentiel, prouvant combien mener à bon port cet ambitieux programme n’est pas aisé. La commission traîne une tare congénitale depuis sa fondation. Sa composition avait suscité une vive désapprobation de la famille scolaire. Des gens en rupture de ban, complètement déconnectés, depuis des décennies, de l’école actuelle, avaient été cooptés comme pour faire du remplissage ou du « dosage ». Il s’en est suivi des assises de l’Éducation rassemblant un conglomérat hétéroclite de gens et d’institutions, avec, à l’arrivée, des recommandations jugées peu ou prou consensuelles et une loi d’orientation expliquées sans grande conviction aux partenaires techniques et financiers. « Tout est flou », dénonçait Samba Thiam, le président des FPC et inspecteur de l’Éducation. Noubquouha ne pouvait plus continuer à avaler des couleuvres et à juste servir de faire valoir. D’où son départ.
Une autre tentative
Après ce camouflet pour l’école républicaine, la question qu’on se pose aujourd’hui est de savoir ce que le nouveau président de la CNE pourrait faire de mieux. Appelé à la rescousse, monsieur Bâ Ousmane, lui aussi ancien ministre de l’éducation, aura-t-il les mains libres ou, comme dirait l’autre, « cartes blanches » pour restaurer l’image de la commission et la mettre au centre du projet de l’école républicaine de Ghazwani ? Il dispose, comme on le sait, d’un sérieux atout. Pour sa nomination à la direction du ministère, l’ancien secrétaire général du gouvernement avait réclamé la liberté d’agir et Ould Abdel Aziz la lui avait donnée, disait-on, pour réformer le secteur. On retiendra de son passage « l’Année de l’Éducation ». Mais Bâ Ousmane s’est vite retrouvé face les lobbies et autres intouchables opposés à tout changement. Un bras de fer s’engage. Redéployer le surplus du personnel casé au ministère, dans ses démembrements et dans d’autres départements, afin de combler le déficit chronique d’enseignants, ou encore se débarrasser des « disparus dans la nature » est devenu comme tabou au MEN. S’y attaquer relève d’un pari que les ministres perdent toujours. Les mesures de Bâ Ousmane lui vaudront d’acerbes critiques. Le voilà traité de traité de « méchant », « raciste » même par certains, d’une certaine manière comme avec Noubqhouha entre 2007 et 2008. Mais il resta droit dans ses bottes, avec la confiance du président de la République. Puis celui-ci finit par céder à la pression et le remplaça, à l’heure où les choses s’amélioraient dans ce département hostile au changement. Et la descente aux enfers de l’école se poursuivit…
Aujourd’hui, Ould Ghazwani fait appel à cet ancien ministre. L’homme dispose d’une longue expérience de gestion, connaissance des hommes, du terrain et des acteurs du secteur. Ceux qui l’ont côtoyé partout où il est passé, décrivent ce natif d’Ould Yengé comme un homme de poigne, ferme mais souple. À la commission nationale des hydrocarbures, il a vite montré combien il n’acceptait pas de servir de faire valoir. Il n’y est pas resté longtemps, comme du reste à la Société des Aéroports de Mauritanie (SAM)… Membre du bureau exécutif de l’UPR, il compte dans le dispositif du président Ghazwani. Et pour preuve, il a occupé un poste stratégique dans la campagne de celui-ci. Il a de nombreux amis dans la galaxie politique mauritanienne. Trois jours après sa nomination à la tête de la CNE, des délégations de toutes les composantes du pays défilaient chez lui pour le féliciter et lui souhaiter bon vent. Cela suffira-t-il pour relever le challenge qu’on vient de lui servir ? Certainement pas. Ce qu’il lui faut, c’est une véritable volonté politique du pouvoir à matérialiser un des plus importants engagements de son chef. Va-t-il l’obtenir auprès du marabout-président et du ministère de l’Éducation ? L’avenir proche nous le dira. En tout cas, il ne reste pas grand temps et même si le Mohamed ould Ghazwani briguait un second mandant, il faudra agir autrement… s’il veut vraiment en faire un butin de guerre.
BBK