Actualité

La mortalité maternelle en Afrique avec un focus sur la Mauritanie au centre d’un wébinaire du REMAPSEN

La mortalité maternelle est un sujet de préoccupation majeure dans la plupart des pays d’Afrique et particulièrement en Mauritanie où elle constitue un véritable problème de santé publique avec un taux de mortalité encore élevé malgré les progrès réalisés ces dernières années.

Conscient de l’importance de cette problématique et fidèle à sa mission d’information, de sensibilisation et de vulgarisation des questions sanitaires et environnementales, le REMAPSEN (Réseau des Médias Africains pour la Santé et l’Environnement) a organisé mercredi 03 Août en collaboration avec la Coordination du réseau en Mauritanie, un wébinaire sous le thème : « Mortalité maternelle en Afrique : Cas de la Mauritanie ».

Ce wébinaire suivi par les membres du réseau dans une quinzaine de pays du continent a été abrité par le siège de la Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel en Mauritanie (HAPA) en présence du Président de cette institution accompagné de plusieurs collaborateurs.

Deux panélistes triés sur le volet ont animé cette conférence. Il s’agit en l’occurrence du Dr Mohamed Mahmoud Ely Mahmoud directeur Général de la Santé Publique au Ministère mauritanien de la santé et le Dr Mohamed El Kory Boutou Chargé de la Santé Reproductive au FNUAP.

Dans un mot d’ouverture prononcé pour la circonstance, Mr Houssein Ould Medou, Président de la HAPA s’est félicité de l’initiative du REMAPSEN de tenir un tel wébinaire exprimant au passage la disponibilité de l’institution qu’il représente à accompagner ce genre d’activités.

Ould Medou a affirmé que les objectifs du REMAPSEN entrent dans le cadre de la mission dévolue à la HAPA.

Des taux de mortalité maternelle et néonatale encore préoccupants en Mauritanie

Abordant le premier panel, le directeur général de la santé publique a dressé un tableau exhaustif de la situation sanitaire concernant le volet en question. Il a affirmé qu’en Mauritanie, les taux de mortalité maternelle et néonatale, sont encore préoccupants, malgré les efforts fournis ils restent encore très élevés soit 424 décès pour 100.000 naissances en 2019.

Parmi les problèmes auxquels font face les femmes il a cité la difficulté d’accès rapide à des soins obstétricaux d’urgence de qualité à tous les niveaux. Les besoins non satisfaits encore élevés sont essentiellement à l’origine de cette situation, a-t-il noté.

Autre écueil cité : l’environnement de la santé de la reproduction, notamment l’accès limité des femmes aux ressources, les obstacles socioculturelles et la faible implication des communautés.

Des indicateurs en nette amélioration

S’agissant domaines prioritaires d’intervention ils englobent la santé maternelle, la santé néonatale, la planification familiale, la sante des jeunes et des adolescents, les IST, le VIH/SIDA et l’Hépatite B, la communication et plaidoyer, les cancers génitaux de la femme et les fistules obstétricales.

L’évolution des indicateurs pour la mortalité maternelle sont plutôt encourageants : 930 en 1996, 747 en 2001,  686 en 2007, 626 en 2011, 580 RGPH 2013 et 424 EDSM en 2019.

Pour la mortalité néonatale on note 43%0 EMIP en 2004, 29 % MICS en 2015 et 22 % EDSM en 2019.

Pour les accouchements assistés les chiffres avancés sont les suivants : 49% EDSM en 2001,61%  MICS en 2007 ,64% MICS en 2011 ,69% MICS en 2015 et 65% EDSM en 2019.

D’autres chiffres portant sur les césariennes et la prévalence Contraceptive ont été avancés.

Et pour les défis à relever afin de renverser la tendance négative, le directeur de la santé publique a préconisé entre autres la réduction des barrières financières et socio- culturelles qui empêchent les femmes, les nouveau-nés, les enfants et les jeunes d’accéder aux services appropriés ; l’intégration de l’offre des services  de santé maternelle, néonatale et des adolescents et jeunes permettant aux populations de bénéficier d’un continuum de soins ; l’implication de la communauté dans la gestion du système de santé et le développement de distribution à base communautaire  (DBC) des contraceptifs ; la disponibilité des produits de la SR et  qui sauvent la vie des femmes, des nouveaux nés ; le renforcement du système de la collecte de donnée pour améliorer le suivi et l’évaluation ; le développement d’un plaidoyer pour un engagement politique et financier.

Des résultats encourageants

Des résultats palpables sont d’ores et déjà réalisés dont le déploiement des ressources  humaines (SF particulièrement) aux niveaux des structures de santé avec des incitations morales et financières pour leurs retentions (payements de gardes et motivations) ; le renforcement de connaissances et des   compétences  des prestataires en SONU, SENN, TC ,VGB…. ; la prise en charge des urgences ; la prise en charge de 55 % de la cotisation des femmes forfaitaires 400 MRU (droit à une prise en charge complète de la grossesse, de l’accouchement quelque soit son mode et du post-partum) ; la prise en charge de tous les malades de la réanimation et la prise en charge du transport médicalisé inter hospitalier et des accidents de la voie publique.

Intervention du chargé de la santé reproductive au FNUAP

Dans son intervention le Dr Mohamed El Kory Boutou a mis en exergue les interventions ciblées du FNUAP en Mauritanie en matière de Santé de la Reproduction.

 Il a d’emblée donné la définition de la mortalité maternelle considéré par l’OMS comme : «…tout décès survenu au cours de la grossesse,  de l’accouchement et des 42 jours suivant la terminaison de la grossesse quelle qu’en soit la durée et la localisation, pour une cause quelconque déterminée ou aggravée par la grossesse ou les soins qu’elle a motivés, mais ni accidentelle ni fortuite.»  

Et pour mettre en évidence la négligence face à cette problématique il a cité le Professeur Mahmoud Fathalla, ancien président de la  (FIGO) qui estime que : « Les femmes ne meurent pas de causes qui ne peuvent êtres traitées… elles meurent parce que les sociétés n’ont pas encore décidé que leurs vies doivent être sauvées… »

Le Dr Boutou a parlé de la face cachée de l’iceberg. Ainsi note-t-il, pour une femme qui meurt 20 à 30 femmes ont des séquelles.

Il a insisté sur l’intérêt de l’investissement dans la réduction de la mortalité maternelle. En effet cela dit-il permet de sauver des vies (Droit à la vie) ; d’améliorer la qualité des soins au profit de tous ; et de réduire la pauvreté par le biais de la réduction des dépenses catastrophiques sur les familles.

Parlant des causes du point de vue systémique, le panéliste a relevé trois retards : retard pris pour décider de consulter les services de santé (Mal information, pesanteurs culturelles, pauvreté …..) ; retard pris pour arriver à l’établissement de santé (état des routes, éloignement, moyens de transports…)et enfin retard pris pour recevoir un traitement adéquat à l’établissement de santé    (mauvaise qualité de soins, équipements, personnels….)

Autre séquelle liée à la problématique de la mortalité maternelle, la fistule obstétricale.

Elle est plus fréquente chez les populations rurales avec un accès limité aux services de santé et où prévaut le mariage précoce. On l’appelle souvent la maladie de la honte avec comme conséquence une perte du bébé, un bannissement de la maman de la société, le divorce, la dépression voire parfois suicide…

Les solutions recommandées par le Dr Boutu pour faire face à ce problème de santé sont les suivantes :

  • Accroitre le Budget alloué à la santé pour atteindre  15% du Budget global de l’Etat
  • Satisfaire les besoins non satisfaits en PF/EN ( ce qui réduirait de 30% les décès maternels)
  • Former et répartir de manière accrue et équitable le personnel de santé en particulier les sages femmes (60% des SF sont à Nouakchott)
  • Gérer avec rationalité les soins par la mise en place d’un réseau SONU géo-référencié
  • Impliquer de manière effective les populations dans la gestion de leur santé
  • Assurer l’implication directe des décideurs, les leaders d’opinion, dont les journalistes

L’action de l’UNFPA

S’agissant des interventions de l’UNFPA elles consistent entre autres à :

  • Aider le pays à identifier et développer son réseau SONU
  • Renforcer les capacités des ressources humaines, l’équipement des structures de santé et des écoles
  • Prise en charge de l’acquisition de tous les contraceptifs et produits qui sauvent la vie
  • Accompagner le pays dans sa transition vers l’autonomie dans l’achat de ces produit (en cours : déjà une ligne progressive a été établie avec 2025 comme année buttoir)
  • Appuyer la prise en charge et la réhabilitation des survivantes de Fistules obstétricales
  • Lutter contre toute forme de violence basée sur le genre y compris le mariage des enfants et les mutilations génitales féminines.

Du point de vue de l’UNFPA la perspective d’ici 2030 sera de réaliser :

  • ZERO mortalité maternelle évitable;
  • ZERO besoin non satisfaits en PF/EN;
  • ZERO violence basée sur le genre et pratiques néfastes y compris les mutilations génitales féminines et le mariage des enfants

En conclusion de son intervention, le Dr Boutou a lancé un appel  à l’action destiné aux journalistes. Cet appel est libellé en ces termes :

« Comme vous le savez, la mortalité maternelle n’est que la face la face visible de l’iceberg, par ce que derrière, ce sont des milliers de femmes qui souffrent de séquelles invalidantes,  en donnant la vie et n’ont aucune possibilité de témoigner de leur souffrances au cours de la grossesse et de l’accouchement »

  • Vous êtes le vecteur le plus important de l’information,
  • Vous avez la capacité de rentrer dans les foyers riches, pauvres, de parler aux chefs, aux ouvriers aux imans aux, survivantes, aux jeunes ;
  • Vous avez la possibilité d’influencer le cours pour qu’aucune femme ne meure en donnant la vie ;

Passer donc l’information et mettez votre grain pour la lutte contre ce fléau. »

Cet appel semble avoir été bien accueilli par les membres du REMAPSEN qui ont montré un engouement révélateur dans la suite des débats.

Bakari Gueye

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page