Chronique « Livres»:2019 – 2022:rien que la lutte contre la corruption et le combatpour la survie de mon pays(2)
Nous vous proposons cette semaine la suite de la chronique hebdomadaire consacrée au livre de l’éminent économiste Mohamed Ould Mohamed El Hassan, directeur de l’institut 2irs intitulé : « 2019 – 2022 : rien que la lutte contre la corruption et le combat pour la survie de mon pays ». L’extrait suivant traite de la question de la bonne gouvernance.
Pour cerner les différents contours de cette gouvernance
décennale, aveugle et despotique, aux conséquences
dramatiques, il fallait donc mener des études approfondies et
des recherches économiques, financières poussées, dans tous
les secteurs et au niveau de toutes les entreprises publiques.
Le cas, de la SNIM, le plus significatif, à nos yeux, a fait l’objet d’une étude écrite et détaillée qui sera présentée dans le deuxième chapitre. Les études et analyses relatives aux autres sociétés et établissements publics ont été enregistrées dans des vocaux et se trouvent sur la bibliothèque électronique de l’institut 2IRES. Nous en avons, toutefois, extrait un récapitulatif des pertes et dettes des entreprises publiques en indiquant les entités qui ont été abandonnées, par la « Décennie », en état de faillite non déclarée. Nous découvrons, d’ailleurs, tous les jours dans notre vécu et grâce à nos recherches, les conséquences et les effets collatéraux de la gabegie et de la corruption décennales. Nos appréhensions, nées de l’analyse des comptes nationaux et des entreprises publiques qui recoupent avec les idées reçues et les témoignages de nombreux mauritaniens, confirmées par les résultats de l’enquête parlementaire, font croire à une importante évasion des capitaux, durant cette période, vers l’étranger. La corruption a sapé l’efficacité des Gouvernements de la République et la confiance des populations dans les institutions publiques. Tous les déséquilibres économiques se sont aggravés. Les pauvres se sont appauvris davantage, la corruption ayant majoré les prix de tous les produits. L’esprit de solidarité ne jouait plus qu’un rôle mineur, largement vicié par les appétits d’argent et les politiques qui les servent. La classe moyenne a disparu, la preuve : les professions libérales ne contribuèrent, en 2018, au Budget de l’Etat, que par la modique somme de cent mille (100 000) ouguiyas Préambule 14 anciens – au lieu de soixante-dix millions, quelques années auparavant, et ce malgré l’acharnement et l’excès de zèle des services de recouvrement du Ministère des finances. En réalité, le Nouveau Pouvoir, issu du scrutin du 22 juin 2019, a hérité de ces prédécesseurs un Etat en faillite non seulement financière, mais, aussi, administrative, sociale et morale. Au niveau de la fonction publique, la recherche du bakchich était devenue pour les fonctionnaires ‘’Moasiens’’ la préoccupation dominante. Ils ne font plus rien pour rien et beaucoup de gens passent leur temps de façon improductive à s’assurer leurs faveurs ou à acheter leur silence. La corruption était, pour ceux-là, la raison d’être de l’Administration publique. Aussi est-il devenu, malheureusement, difficile de relever la qualité de la fonction publique. La décennie de corruption a beaucoup d’autres effets pervers ! Elle a perverti les choix des dirigeants et ruiné, dans la société, tout esprit de combativité et d’entreprise : pourquoi faire des efforts quand les malversations : corruption, commission, thiebs thiebs -sont reines et autrement plus lucratives ? A y regarder de plus près, on a le sentiment que cette nouvelle dégradation n’a été possible qu’avec la complicité active d’une infime minorité d’individus qui administrent le pays comme ils le feraient de leur propriété privée. Quelques individus affairistes, venant de nulle part, ont bouleversé les jeux de l’économie traditionnelle et de la politique au sens noble du terme. Préambule 15 Ces corrompus et affairistes au sommet de l’Etat ont été assez puissants non seulement pour vicier les financements destinés au développement mais, pour fausser l’aide au pays et orienter, dans leur sens les idées malsaines, les actes de la politique, exemple : loi contre la corruption qui, en réalité, fructifie la corruption. Ces corrompus et affairistes cherchent, aujourd’hui, en 2022, à masquer les effets de la décennie en persistant à réclamer un recommencement des opérations des années 2010 – 2015, si lucratives pour quelques individus, mais contraires aux intérêts généraux communs aux riches et aux pauvres. Des corrompus et affairistes insensibles et aveugles pour ignorer les dangers et les drames qui grandissent, en Mauritanie, au Sahel, autour de nous, et les menaces impressionnantes que cette évolution fait peser à terme sur le pays et sur eux- mêmes. Il va de soi que ce régime bénéficiait, malheureusement, de la connivence des puissances internationales, aussi aveugles que lui, et qui croyaient que ce système corrompu protégeait contre le terrorisme. Mauvais calcul à terme ! La corruption et la gabegie sont un facteur d’instabilité et, dans le cas extrême, elles peuvent déclencher des révolutions (ou tout au moins leur servir de prétexte). Ce système corrompu et despotique, en ruinant la confiance des masses dans les Pouvoirs publics, conduit inéluctablement à la violence. Si toutes les informations financières relatives aux effets de la mauvaise gouvernance de cette décennie que nous avions Préambule 16 recensées et déclinées, dans notre « étude-interview », susvisée, étaient connues de l’Elite, chacun peut aisément imaginer les effets dévastateurs pour notre pays et les quatre millions et demi de mauritaniens, d’un tel détournement qu’il ait été le fait d’un ou de plusieurs individus.
Amertume de constater, au fur et à mesure que j’avançais dans mon parcours d’études/investigation/recherche, que les mauritaniens n’étaient au courant de rien … ! Si les Autres, mes concitoyens, savaient combien cette décennie fut si dramatique, à tous les niveaux, je n’aurais pas continué mon travail de recherche, de vulgarisation, dans le cadre d’un combat de tous les jours, sans arrêt, pendant quatre années, dans des conditions des plus difficiles et en payant des prix forts, jamais consentis par un Homme sur cette terre, au bénéfice de ce peuple, si généreux et reconnaissant. En définitive, il était, donc, indécent et immoral, pour moi, de ne pas continuer à militer davantage avec régularité, en faveur de l’adoption, par notre pays, de cette bonne vieille technologie qui a fait ses preuves : la démocratie. Seule la démocratie et le pluralisme intelligent qu’elle implique, les contrepouvoirs qu’elle suppose permet de limiter ces fléaux endémiques, qui, sous l’ère MOAAZ, nous avaient fait tant de mal. Doublement marqué par le désastre et la ruine de mon pays d’une part, et par l’accueil réservé par mon peuple à mes premières interventions orales d’autre part, j’embarquai dans mon ‘’char de combat’’ -2IRES- qui produisait des idées, diffusait de l’information vraie et des conseils pertinents, par solidarité à mon pays et au Nouveau Président que j’espérais être son sauveur. Préambule 17 Très vite, de grandes occasions se présentèrent à moi : les élections présidentielles de 2019. D’abord, ce furent les campagnes électorales présidentielles qui sont normalement un outil essentiel de la démocratie, outil toujours très mal compris et très mal utilisé dans notre pays. Les campagnes n’étaient toujours que folklores et slogans. Les programmes, établis dans les règles de l’art, y étaient systématiquement absents. Par conséquent, il fallait à la fois apporter notre contribution en essayant de transférer quelque savoir-faire et la technologie nécessaire à l’établissement des programmes électoraux et en procédant à une évaluation critique des campagnes qui étaient en cours. (Chapitre III) Le jour du scrutin du 22 juin 2019, je formulai deux propositions à l’intention de tous les candidats et cinq autres à celui qui sera élu Président de la République. Cet appel, dont le corps est très court, mais substantiel, prospectif, prophétique – diraient certains- pourrait être qualifié d’historique. Il mériterait, à nos yeux, et sans présomption aucune, d’être mis en exergue et repris ici textuellement, dans son intégralité. Aux lecteurs d’en juger. « 1- Accepter les résultats définitifs, même en y émettant des réserves. 2- Accorder une période de grâce au nouveau Président pour permettre à chacun de faire le bilan et l’état des lieux dans le pays et d’élaborer ses stratégies et notamment pour la préparation d’un dialogue national véritablement inclusif et pour préparer les dossiers d’un indispensable rééchelonnement de la dette publique avec la recherche des financements adaptés. Préambule 18 3- Engager après la période de grâce un large dialogue dans la Capitale et à l’intérieur du pays qui durerait le temps nécessaire et au minimum six (6) mois. 4- Instituer un Conseil consultatif présidentiel (CCP), formé des anciens candidats à la Présidence et des anciens Présidents de la République qui donneraient un avis sur les questions majeures relatives à la vie de la Nation. Quoi de plus normal dans un pays qui a une tradition de chefs plus ancrée que celle de partis politiques ? 5- Mettre en veilleuse Le Conseil Economique et Social qui n’a jamais produit, à ma connaissance, en dix ans, un seul rapport. Affecter ses ressources au Conseil Consultatif présidentiel. 6- Mettre tout en œuvre et, en urgence, pour obtenir le rééchelonnement de la dette publique, le financement des projets de développement et des “Plans Marshall pour les Régions”. 7- S’engager, dans une charte sacrée, à s’abstenir, de dire ou de faire tout ce qui est de nature à porter atteinte à l’image et aux intérêts de notre chère et unique Patrie, la Mauritanie. » Fin de citation.
A cet appel fut annexé un plaidoyer : « quelques raisons qui justifient notre Proposition 1 : Accepter les résultats définitifs du scrutin qu’elle qu’en soit l’issue. » (Chapitre IV) Sur ces sept propositions du 22 juin 2019, cinq ont été suivies d’effets, ont été reconnues de fait, ultérieurement par tous et ont fait, de surcroît, partie intégrante d’une sorte de ‘’feuille de route-avenant’’ du programme et du mandat du Président Ghazouani. Cinq sur les sept points se sont donc imposés. Préambule 19 Le vécu, dans le pays, les aura imposés, l’expérience empirique ont fini par corroborer notre analyse prospective. Pourrions-nous exprimer un sentiment de fierté pour avoir tiré les conclusions justes de notre analyse de la situation de notre pays, au terme de cette décennie ? Ne mériterions-nous pas, pour notre vision, pour notre perspicacité et pour notre dévouement, rien que pour cet appel, une certaine reconnaissance de la République, à côté de celle par laquelle notre peuple et nos élites intellectuelles nous ont comblée ? Avançons ! Enfin, j’avais la certitude que pour faire reculer les effets nocifs des fléaux du despotisme, de la corruption, du népotisme et de la mauvaise gouvernance, il fallait non seulement que le Gouvernement intervienne de manière spécifique, mais également que se crée progressivement sur le plan politique et dans la population un climat favorable à la transparence, à l’équité et à la bonne gouvernance démocratique.
(A Suivre)