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L’éducation en Mauritanie ? Par Béchir Fall, Expert International

Béchir Fall – En crise perpétuelle et pas aux normes internationales, en raison d’une insuffisance structurelle du budget que l’État lui consacre.

La très faible contribution en termes de dépenses publiques au secteur de l’éducation vaut à la Mauritanie d’être devancée par tous ses voisins, Sénégal, Mali, Maroc, Algérie et tous les autres pays du Sahel, Niger, Burkina, Tchad, pourtant embourbés dans des conflits armés.

Ma consultation régulière des chiffres de la Banque mondiale et de l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture, l’Unesco, m’apprend que la Mauritanie est avec le Soudan du Sud, la Somalie et le Nigéria parmi les quatre pays qui dépensent le moins pour l’éducation des enfants en proportion de leur PIB sur un total de 55 États africains.

La Mauritanie derrière une cinquantaine de pays du continent. Une situation déplorable pour l’image de la Nation tout entière.

1) La Mauritanie ne consacre qu’1,9% de son PIB à l’éducation nationale

La Mauritanie affiche un triste pourcentage d’1,9% du Produit Intérieur Brut, le fameux indicateur standard international pour les dépenses publiques relatives au secteur éducatif. Ce qui signifie que la Mauritanie réserve à l’éducation de ses enfants moins de 2% de sa richesse acquise au cours d’une année, selon les dernières Données de la Banque mondiale.

Un chiffre notoirement bas. Je suis dans une totale stupéfaction quand je parcours les chiffres officiels des institutions internationales les plus crédibles sur le sujet. Et profondément surpris que les dirigeants de la Mauritanie ne manifestent aucun intérêt pour l’éducation des enfants. En leur allouant des budgets squelettiques, pas aux normes, ne garantissant pas non plus le minimum prescrit.

Mon exaspération est totale lorsque je vois la Mauritanie parmi des pays comme le Soudan du Sud ou la Somalie, des États fantômes ! J’éprouve une grande honte par la position qu’occupe notre pays et j’en rends responsable tous les ministres qui se sont succédé à l’éducation nationale. Je ne croyais pas les hommes politiques au pouvoir en défaut de générosité avec nos enfants et petits-enfants. Incompréhensible avarice ! Harpagon n’aurait pas fait pire.

Sait-on qu’en termes de dépenses publiques liées à l’éducation nationale, la Mauritanie avec son calamiteux (1,9% du PIB) fait deux (2) fois moins bien que nos voisins, Maliens d’abord (4,4% du PIB). Ensuite, presque trois (3) fois moins bien que le Sénégal (5,5% du PIB).

Et ne parlons pas même des voisins du Nord, Marocains (6,8% du PIB) et Algériens (7% du PIB) auxquels nous séparent des années-lumière. Mêmes les autres pays de l’ex G5, le Burkina (5,5%), le Niger (3,8%) et le Tchad (2,9%) sont tous au-dessus de la Mauritanie bien que confrontés, depuis plusieurs années, à des conflits armés.

2) Même en augmentant ses dépenses en éducation de 100%, la Mauritanie reste en dessous de la moyenne mondiale et de ses quatre voisins

Accablante et sidérante remarque. Dans l’hypothèse d’une hausse de 100% du budget de l’éducation nationale, autrement dit, son doublement, la Mauritanie serait juste à (3,8%) toujours loin de la moyenne mondiale fixée à (4,8% du PIB) et toujours derrière le Mali. Mais très loin de nos voisins du Sénégal, du Maroc et de l’Algérie auxquels nous sépare cette fois-ci un fossé abyssal.

Que l’on comprenne et admette une fois pour toutes que le secteur de l’éducation en Mauritanie est une catastrophe nationale depuis plusieurs décennies. Aucun pays au monde ne peut se développer s’il n’observe pas les fondamentaux, c’est-à-dire offrir des investissements suffisants au secteur de l’éducation, équivalents à 4% du PIB soit le minimum prévu par le Cadre d’Action Éducation 2030 ou la moyenne mondiale de 4,8% que trois de nos voisins, le Sénégal, le Maroc et l’Algérie dépassent largement.

Mais pourquoi sommes-nous toujours les derniers, à la traîne des classements officiels ? C’est tout de même écœurant que le président de la République, son Premier ministre ainsi que le gouvernement soient si peu attentifs à ce défaut rédhibitoire qui caractérise notre système éducatif. Sont-ils réellement au courant de cette faillite ? J’en doute !

3) Quid d’un autre indicateur relatif à la part de l’éducation dans le budget des États

La situation de la Mauritanie ne s’améliore guère. Toutes choses étant égales et constantes par ailleurs, la Mauritanie maintient son inévitable dernière place face à ses quatre voisins et les pays du Sahel.

Part des budgets de l’éducation en % sur le budget général des États de la sous-région.

1er. Sénégal. 22,2%

2. Burkina. 20,0%

3. Maroc. 16,9%

4. Tchad. 16,7%

5. Mali. 16,0%

6. Algérie. 15,4%

7. Niger. 12,0%

8. Mauritanie. 10,4%

Le constat pénible, difficile à admettre mais hélas d’une implacable évidence est présent pour nous rappeler une triste réalité, celle d’une incompétence généralisée des dirigeants, experts et fonctionnaires mauritaniens de l’éducation, incapables de faire œuvre utile en termes de benchmark et de bonnes et meilleures pratiques dans le domaine.

Combien de fois s’est-on recueilli sur la problématique du système éducatif mauritanien, un malade auquel mille remèdes ont été prescrits ? Sans aucun résultat tangible. Les responsables de l’éducation se sont alors fourvoyés à maintes reprises sans jamais atteindre leur cible. Quelle maladresse ! Quand je vois défiler toutes ces statistiques de tous les pays, je ne peux m’empêcher d’exprimer des regrets sur des opportunités perdues à jamais en Mauritanie. Sans aucune possibilité de retour en arrière pour corriger le tir.

4) Les critères prescrits par le Forum mondial sur l’éducation totalement ignorés par la Mauritanie

L’Unesco, l’Unicef, la Banque mondiale, le PNUD, le FNUAP, le HCR et toutes les institutions internationales se sont réunis en mai 2015 en Corée du Sud avec 160 pays dont logiquement la Mauritanie pour le Forum mondial sur l’éducation.

Le Cadre d’action Éducation 2030 issu de ce Forum établit deux grands critères à observer par tous les États :

– Consacrer au moins 4 à 6% du PIB à l’éducation et/ou ;

– Consacrer au moins 15 à 20% du total des dépenses publiques à l’éducation.

Depuis cette date de 2015, huit années sont déjà passées sans que la Mauritanie ait bougé d’un iota. Le PIB relatif à l’éducation reste bloqué à 1,9% et le budget de l’éducation ne parvient pas à dépasser 10,4% du budget général. Au contraire de nos quatre pays voisins qui respectent parfaitement ces deux critères. Les pays du Sahel, en dehors du Niger, parviennent à observer au moins un des deux critères.

5) L’administration chargée de gérer le ministère ne connait que des échecs, des contre-performances depuis plusieurs décennies

Voilà le résultat où nous mènent les mauvais choix, des décisions inappropriées, de l’amateurisme et un défaut de visibilité sur les actions prioritaires. L’obstacle majeur se situe au niveau des compétences et des connaissances mal acquises, des savoir-faire et savoir être qui font cruellement défaut à l’administration publique chargée de gérer le ministère.

J’en conclus par un terme qui définit parfaitement la situation de l’école publique mauritanienne, la faillite du système éducatif mauritanien. Il doit être totalement repensé pas par les mêmes experts de l’éducation qui l’ont mis depuis des décennies dans cet état de déconfiture totale, mais par des experts indépendants qui n’ont aucune attache avec le ministère de l’éducation nationale.

Béchir Fall

Expert International

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