Des militaires, dont des membres de la garde républicaine, ont annoncé la dissolution des institutions et la fermeture des frontières après l’annonce de la victoire du président à l’élection présidentielle.
La confusion règne au Gabon où, à peine la victoire d’Ali Bongo Ondimba à présidentielle du 26 août connue, des militaires sont intervenus sur la chaîne de télévision publique Gabon 24 pour annoncer l’annulation des élections et la dissolution des institutions. « Nous mettons fin au régime en place », ont affirmé un groupe d’une douzaine de militaires gabonais mercredi 30 août à l’aube, précisant que « les frontières sont fermées ».
Parmi ces militaires figuraient des membres de la garde républicaine (GR), la garde prétorienne de la présidence, reconnaissables à leurs bérets verts, ainsi que des soldats de l’armée régulière et des policiers. La déclaration a ensuite également été diffusée sur la télévision publique Gabon Première.
Après avoir constaté « une gouvernance irresponsable, imprévisible, qui se traduit par une dégradation continue de la cohésion sociale risquant de conduire le pays au chaos (…), nous avons décidé de défendre la paix en mettant fin au régime en place », a déclaré un militaire à la télévision, disant s’exprimer au nom d’un « Comité de transition et de restauration des institutions (CTRI) ».
Le président Ali Bongo « en résidence surveillée »
Entouré de sa famille et de ses médecins, « le président Ali Bongo est gardé en résidence surveillée », selon un communiqué lu à la télévision d’Etat par les militaires du CTRI.
L’un de ses fils a été arrêté, notamment pour « haute trahison », ont également annoncé les militaires auteurs du coup d’Etat.
Selon des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP) présents sur place, des tirs d’armes automatiques ont été entendus pendant la déclaration des militaires, dans la capitale gabonaise, Libreville. Internet a été rétabli dans le pays, après avoir été coupé pendant trois jours par le gouvernement qui invoquait des risques de violences le jour des élections.
La France suit « avec la plus grande attention » la situation
La France suit « avec la plus grande attention » la situation, a déclaré la première ministre, Elisabeth Borne, devant les ambassadrices et ambassadeurs de France réunis à Paris, devant lesquels la cheffe du gouvernement a énuméré plusieurs crises récentes auxquelles la diplomatie française a été confrontée. Ni l’Elysée, ni le ministère des affaires étrangères n’ont réagi pour le moment.
La Chine a, elle, appelé « les parties concernées » au Gabon à « garantir la sécurité » du président Ali Bongo. Un des porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin, a également annoncé devant la presse que « la Chine suit de près l’évolution de la situation au Gabon et appelle les parties concernées à agir dans l’intérêt du peuple gabonais (…), au retour immédiat à l’ordre normal ».
« A la suite des derniers événements en cours », le groupe minier français Eramet a « mis à l’arrêt » ses activités au Gabon et « suit » la situation pour « protéger la sécurité de [son] personnel et l’intégrité de [ses] installations », a-t-il précisé. Eramet emploie quelque 8 000 personnes dans le pays, majoritairement gabonaises. De son côté, TotalEnergies a déclaré dans un communiqué que sa priorité était d’« assurer la sécurité de ses employés et de ses opérations ».
Une élection très contestée
Au pouvoir depuis quatorze ans, le président Ali Bongo Ondimba venait tout juste d’être déclaré réélu, mercredi matin, pour un troisième mandat, avec 64,27 % des suffrages exprimés. Selon l’autorité nationale chargée des élections, M. Bongo avait battu, dans un scrutin à un seul tour, son principal rival, Albert Ondo Ossa, qui n’a recueilli que 30,77 % des voix, ainsi que douze autres candidats qui n’ont récolté que des miettes.
Le président du Centre gabonais des élections (CGE), Michel Stéphane Bonda, avait annoncé les résultats à l’antenne de la télévision d’Etat Gabon Première. Le taux de participation a été de 56,65 %.
Albert Ondo Ossa avait dénoncé des « fraudes orchestrées par le camp Bongo » deux heures avant la clôture du scrutin samedi et revendiquait alors déjà la victoire. Son camp a exhorté lundi M. Bongo à « organiser, sans effusion de sang, la passation du pouvoir » sur la base d’un comptage effectué selon lui par ses propres scrutateurs, mais sans produire de document à l’appui.
Les résultats officiels ont été égrenés en plein milieu de la nuit, à 3 heures (4 h 00 à Paris), sur la télévision d’Etat sans qu’aucune annonce de l’événement n’ait été faite préalablement. En plein couvre-feu donc, deux mesures décrétées par le gouvernement samedi avant la fermeture des bureaux de vote, afin de parer selon lui à la diffusion « de fausses nouvelles » et à d’éventuelles « violences ».
—————-
Le communiqué des militaires lu à la télévision
Voici le verbatim du communiqué d’un groupe d’une douzaine de militaires gabonais, lu sur la chaîne de télévision Gabon 24 abritée au sein de la présidence.
« Notre beau pays, le Gabon, a toujours été un havre de paix. Aujourd’hui, ce pays traverse une grave crise institutionnelle, politique, économique et sociale.
Aussi, force est d’admettre que l’organisation des échéances électorales, dites élections générales du 26 août 2023, n’a pas rempli les conditions d’un scrutin transparent, crédible et inclusif tant espéré par les Gabonaises et les Gabonais. A cela s’ajoute une gouvernance irresponsable, imprévisible, qui se traduit par une dégradation continue de la cohésion sociale, risquant de conduire le pays au chaos.
Ce jour, 30 août 2023, nous, forces de défense et de sécurité, réunies au sein du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), au nom du peuple gabonais et garant de la protection des institutions, avons décidé de défendre la paix en mettant fin au régime en place.
A cet effet, les élections générales du 26 août 2023 ainsi que les résultats tronqués sont annulés. Les frontières sont fermées jusqu’à nouvel ordre. Toutes les institutions de la République sont dissoutes, notamment le gouvernement, le Sénat, l’Assemblée nationale, la Cour constitutionnelle, le Conseil économique, social et environnemental, le Centre gabonais des élections.
Nous appelons les populations, les communautés des pays frères installées au Gabon ainsi que les Gabonais de la diaspora au calme et à la sérénité. Nous réaffirmons notre attachement au respect des engagements du Gabon vis-à-vis de la communauté nationale et internationale.
Peuple gabonais, c’est enfin notre essor vers la félicité. Que dieu et les mânes de nos ancêtres bénissent le Gabon. Honneur et fidélité à la patrie. Je vous remercie. »
Le Monde avec AFP